Intuitions
6.2
Intuitions

Film de Sam Raimi (2000)

Un appel en faveur des femmes battues où les monstres de Raimi se cachent sous des parures humaines


Quand on fricote avec le Diable, on finit brûlé.




Je peux vous tirer les cartes



Intuitions réalisé par Sam Raimi est un thriller psychologique surnaturel étonnant paru avant que le nom du cinéaste retentissent aux oreilles du public familial avec la franchise "Spider-Man". Une belle façon de découvrir la filmographie après "Evil Dead" du metteur en scène. Sur un scénario de Billy Bob Thornton et Tom Epperson, Raimi nous plonge dans un monde sinistre, âpre et cru où le réel se conjugue à l'occultisme. Une particularité que l'on doit à Annabelle Wilson (Cate Blanchett), une voyante diseuse de bonne aventure qui va se retrouver malgré elle à devoir aider la police sur une enquête de disparition. Une enquête conduite par la perception extrasensorielle d'Annabelle qui va la guider sur les traces de Donnie Barksdale (Keanu Reeves), un homme violent qui n'est autre que le mari de sa cliente Valerie Barksdale (Hilary Swank). Un scénario qui de base n'a rien de bien originale, mais qui conjugué aux nombreuses sous-intrigues offre un rendu ingénieux. Un cheminement labyrinthique savamment construit autour de la psyché éprouvée des nombreux personnages gravitants autour de l'héroïne. Un puzzle où chaque pièce correspond à un personnage précis rongé par un élément traumatique qu'il va falloir imbriquer à d'autres traumatismes pour reformer le puzzle et sortir du labyrinthe. En découle une fable noire déprimante terriblement morose où on visite des personnages blessés, instables et paumés arpentant tel des spectres un village de Brixton situé en Géorgie. Une Plouc City rudimentaire convaincante laissant place à une imprégnation sudiste arriérée rongée par les esprits contaminés d'une population miséreuse infectée par le sol qu'elle foule.


L'enquête est menée avec une certaine nonchalance. Une conduite qui aurait gagnée à jouer un peu plus de son mystère bien que l'occultisme offre un contraste non négligeable. Le potentiel est là, aussi bien sur le fond fantastique avec quelques conduites horrifiques, que réaliste avec ces personnages blessés et violents. Cependant, ça aurait mérité plus de panache notamment autour des rebondissements. Une critique valable pour le final qui manque clairement d'impacts malgré la résultante soulevée. Ce qui fait la particularité et l'intérêt de cette œuvre en plus de son plaidoyer pour les personnes victimes de violences, c'est cette ambiance putride qui dépeint avec force un environnement hostile contaminant. Une imprégnation très forte du cadre que l'on doit à la direction experte de Raimi qui offre une réalisation habile. Une élaboration authentique qui regorge d'éléments graphiques gothiques somptueux. Un esthétisme romantique et macabre qui fait écho avec le récit en venant gratter avec intelligence la surface des personnages. Chaque belle parure cache un gisement maléfique. Une souillure qui va de pair avec le décor arpenté. Une conduite anxiogène qui s'intensifie à mesure que l'histoire progresse pour une atmosphère étourdissante qui devient « l'une » des attractions principales de l'œuvre. La composition musicale de Christopher Young et de Lucky Lawrence offre une texture mélancolique magnifique qui y aurait gagné à explorer davantage la partie occulte du contraste.


Grosse surprise du côté des acteurs qui offrent des belles performances, notamment de la part de certains comédiens qu'on n'attend pas forcément. Cate Blanchett sous les traits d'Annabelle, "Annie" pour les intimes, présente une performance d'une justesse remarquable. Une femme anéantit par la perte de son mari, mais qui reste forte et ne perd pas pieds afin de s'occuper et de protéger ses enfants. Une mère courageuse qui fait face au danger du monde extérieur et plus particulièrement aux vices des hommes. Elle se sert de son don pour exorciser le traumatisme psychique de ses clients et donner un sens à leur vie. Parmi eux : "Buddy", un homme profondément troublé et meurtrie par les abus sexuels commis par son père que le comédien Giovanni Ribisi, incarne avec un réalisme bluffant. Il m'a laissé sur le cul. Il est bouleversant. Belle proposition avec "Valérie", une femme battue victime d'un syndrome où elle en vient à plaindre son mari alors que c'est elle la victime. Hilary Swank l'incarne avec brio. Son mari, "Donnie Barksdale", est incarné par un Keanu Reeves que je n'avais jamais vu comme ça. Il est intimidant en tant qu'homme violent. Une boule de nerfs d'une infâme cruauté. Pour ceux qui ne cessent de dire que Reeves est monolithique : "regardez ce film !" Katie Holmes en tant que Jessica King fait figure parfaite de la petite princesse gâtée au sale caractère qu'on ne regrette pas. Greg Kinnear pour Wayne Collins est convaincant. Chelcie Ross pour Kenneth King est crédible en père endeuillé. Enfin, l'excellent Jonathan Kimble Simmons sous les traits du shérif Pearl Johnson m'a amusé. Un sans faute du côté des comédiens ! Mieux que ça, « l'attraction principale » de l'œuvre.



CONCLUSION :



Intuitions de Sam Raimi est un thriller psychologique surnaturel qui gagne à être découvert pour sa cinématographie à couper le souffle ainsi que sa distribution qui est absolument parfaite. Une enquête qui aurait gagnée à être plus percutante notamment autour des rebondissements un peu faiblards, mais qui offre un plaidoyer efficace pour les femmes battues et autres personnes violentées par le cercle familial.


Une fable noire morose difficile où les monstres de Raimi se cachent sous des parures humaines.



Vous allez apprendre à foutre la paix au monde.


Créée

le 1 oct. 2022

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