Promenons-nous dans les bois, pendant que Rob Marshall n'y est pas.

Le premier Disney de cette année est donc une comédie musicale, adaptée d’un célèbre show de Broadway, du même nom, revisitant les contes de fées des Frères Grimm et de Charles Perrault d’après l’essai du psychanalyste Bruno Bettelheim (le très célèbre et passionnant Psychanalyse des Contes de Fées). Et c’est Rob Marshall, à qui l’on doit, pour ne citer que son film le plus récent, le quatrième opus des aventures de Jack Sparrow (un film assez sous-estimé, qui remplissait honorablement le cahier des charges de la franchise), qui a eu la lourde tâche de porter l’oeuvre musicale à l’écran. Le réalisateur américain étant habitué à la mise en scène de comédies musicales (Chicago, Nine), il semblait tout indiqué pour mener à bien cet ambitieux projet. Malheureusement pour nous, le résultat est bien loin de tenir ses promesses.

Après une très solide introduction, visuellement soignée, balayant avec efficacité l’ensemble des personnages qui peuplent l’intrigue, Into the Woods s’embarque dans une aventure beaucoup trop ambitieuse pour lui, à savoir, trouver un lien logique afin de faire co-exister de façon crédible tout ses héros dans le même univers. Ce qu’il n’arrivera jamais à faire, puisque le scénario est un véritable bordel qui enchaîne les péripéties de façon tellement aléatoire qu’on en viendrait presque à croire que le monteur s’est lui aussi perdu dans les bois. Si la volonté de garder le ton noir, adulte, et sarcastique des contes est louable, son exécution manque d’ampleur et ne dépasse jamais la limite qui aurait permis au film d’affirmer et de développer un point de vue intéressant sur ceux-ci. De plus, l’intrigue s’étire et se répète inlassablement durant toute la première heure du long-métrage (on parle ici de la quête du boulanger et de sa femme), nous assommant sans cesse avec les mêmes chansons sans saveurs, filmées avec une indifférence soporifique. C’est bien à ce niveau-là que Rob Marshall déçoit, puisque l’essence même d’une comédie musicale c’est avant tout ses chansons, mais ici, elles ne bénéficient d’aucune envolée, d’aucune fulgurance, d’aucune mise en valeur par la mise en scène, monotone et bien trop statique.

Il faut, en plus de cela, évoquer la nonchalance et le peu d’ambition avec lesquelles sont expédiées les grandes lignes des contes (le terme « charcuté » serait un doux euphémisme), étouffés dans un univers terne qui n’utilise jamais ses décors judicieusement. C’est d’autant plus frustrant que les décors en question sont assez sublimes, mais à l’instar des chansons, ne sont jamais mis en avant, et ré-utilisés à outrance. Dans tout ce bazar, on ne sauvera que la sublime Emily Blunt, qui dévoile une grande beauté magnétique, ainsi que la seule voix du film qui possède en elle un peu de cette magie frissonnante qui manque cruellement à l’ensemble du film. Si le reste du casting n’est pas mauvais (Meryl Streep s’éclate dans le rôle de la sorcière), à l’exception de Johnny Depp qui tient là son plus grand rôle de figurant (et qui, comme toujours depuis un certain temps, cabotine), il est peut-être la plus grande victime du manque de profondeur, et de la vision, trop simpliste, de Rob Marshall sur l’oeuvre qu’il adapte.

Vous l’aurez compris, Into the Woods est le premier grand ratage de cette année 2015, mais aussi une première grande déception. Car si les comédies musicales sont en général assez mal reçues en France (la preuve avec Les Misérables de Tom Hooper, pourtant loin d’être mauvais), elles savent toujours faire preuve d’un sens assez spectaculaire de la mise en scène. Ce n’est pas le cas ici, puisque en plus de se perdre dans une double intrigue mal pensée, Rob Marshall donne la désagréable impression de s’être encombré d’une comédie musicale, presque dépassé par celle-ci, comme si toutes les parties chantées venaient constamment freiner un film fantastique lambda qu’il tentait, en vain, de réaliser.
Aym
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le 2 févr. 2015

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