Le cinéma scandinave regorge de très bons films policiers, dont l’influence peut provenir des nombreux auteurs de polars issus de ces mêmes pays. L’un des premiers films de ce genre à se démarquer à l’international est Insomnia de Erik Skjoldbjærg sortie en 1997.
Quand Tanja, une jeune femme de 17 ans, est assassinée dans la ville de Tromsø en Norvège, les policiers Jonas Engström et Erik Vik sont appelés à enquêter. On remarque rapidement que ce ne sont pas des policiers typiques. Engström est en fait un Suédois exilé en Norvège puisqu’il a été surpris à avoir des relations sexuelles avec le témoin principal de l’un de ses cas, et Vik, près de la retraite, commence à avoir des problèmes avec sa mémoire. Après avoir observé le corps de Tanja, il décide de tendre un piège au tueur en le leurrant à l’endroit où ils ont retrouvé la jeune fille, soit une maisonnette près d’un lac. L’embuscade fonctionne, mais le tueur présumé parvient à s’échapper, à l’insu des policiers. Ils le suivent, mais se retrouvent, à la sortie, dans un épais brouillard. N’y voyant rien, Engström tire accidentellement sur Vik et le tue sur le coup, et ce, sous les yeux du tueur.
Comme on doit s’en douter, les choses iront de mal en pis pour Engström après cet événement. Il doit faire passer cet accident sur le dos du tueur de Tanja, puisque, selon les lois norvégiennes, les policiers ne sont pas autorisés à porter une arme sur eux. Il doit donc camoufler les preuves pour l’enquête sur la mort de Vik qui est instiguée et menée par une policière locale, tout en tentant d’y voir plus clair dans le cas principal. S’élaborera ensuite un véritable jeu de chat et de la souris entre Engström et le tueur.
Pour comprendre les tenants et aboutissants des enjeux il va falloir rentrer dans la tête du personnage principal Jonas Engström. Il va falloir comprendre comment ce bon inspecteur va peu à peu franchir la ligne à cause d'une insomnie insupportable et du jeu de son maître chanteur. Le réalisateur arrive assez facilement à nous montrer comment, peu à peu, Engström ne supporte plus l'enquête et n'arrive plus à faire surface.
Comme c’est le cas dans plusieurs films policiers, on a droit à un personnage principal qui agit en dehors des codes de conduite traditionnels. Pourtant, ici plus qu’ailleurs, aucun effort n’est véritablement fait pour donner de la valeur à Engström. Il est antipathique du début à la fin, que ce soit par ses pratiques (tuer d’un coup de fusil un chien sans véritable raison, faire des attouchements à l’une des témoins) ou par son physique (son air renfrogné et grognon, accentué par son manque de sommeil en raison du jour éternel). Qu’on aime ou non le personnage, force est d’admettre que Stellan Skarsgård (patriarche d’une grande famille d’acteur) est comme toujours excellent pour l’interpréter. Il a cette prestance intimidante qui convient à souhait à son personnage. On a rarement la chance de le voir dans un premier rôle aux États-Unis, mais il nous prouve qu’il est capable de le faire ici.
A la bande-son, Geir Jenssen compose sûrement ses pistes les plus sombres avec des ambiances souvent inquiétantes et glauques, qui illustrent à merveille la paranoïa grandissante de Jonas Engström. Au fur et mesure de l'écoute, l'air devient vicié, comme si l'on avançait sur un lac aux vapeurs empoisonnées.
Ce récit policier angoissant, se déroulant au nord de la Norvège (dans une région où le soleil ne se couche pas), pose une ambiance lancinante avec de belles images, de beaux décors, surtout à la fin. J'aurais même préféré qu'on nous montre un peu plus de la Norvège, les trop rares plans de ce pays sont très beaux.
Erik Skjoldbjærg parvient à faire un film indépendant convaincant, notamment en raison de sa maîtrise de la caméra. Question de bien représenter l’inconfort du personnage principal, il fait un effort pour saturer au possible tous les plans. On n’y retrouve que des couleurs froides, où le blanc prime.