Inégal mais génial. Telle est certainement l’appellation la plus appropriée pour qualifier le sixième long métrage de l'un des plus grands monstres du cinéma contemporain. L'injustice fait rage. L'ombre d'Hitler et de ses sous-fifres s'est éteinte trop doucement. Insatisfait de leur sort, Tarantino compte bien réparer cette tare. Armé de pellicule nitrate, d'une batte de base-ball et d'un strudel aux pommes, il réécrit l'histoire. La chasse a commencée, le sang des nazis se transforme en encre diabolique et nous narre un récit coincé entre bravoure, lâcheté et folie. Les scalps volent, la sueur perle, le lait tourne et les langues fusent. Il s'agit d'une œuvre coutelas. La lame à double tranchant et aux multiples facettes du trouble réalisateur étincelle. Le visionneur navigue sensiblement, opposant rare subtilité face et pâlotte lourdeur coutumière à l'auteur. Le premier aspect métamorphose sans conteste Inglourious Basterds en «chef-d'œuvre» quand le second lui confère un aspect imparfait. La réussite se manifeste dès la séquence d'ouverture. Grandiose. Sergio Leone aurait matière à être fier. Finesse intense des plans dans leur coupe, hommage sensible et personnages au lointain. Survient alors Cristoph Waltz qui à partir de cet instant portera le film à bout de bras. Surnommé « le chasseur de juifs » il amorce le dialogue. Commence alors la longue scène de torture verbale dont il deviendra maître de vie et de mort. Duel et joute d'esprit, joueur de grande douceur et de belles paroles, plus qu'aérien il est un poison. Fin de scène. Changement de tableau. Apparaissent alors les instants des « bâtards ». Moins convaincantes et surtout bien moins subtiles, elles relèvent d'une force brute et radicale qui renouent avec l'aspect grossier « bande-dessinée » longtemps cher au réalisateur. Plus de recherche linguistique, ici, Brad Pitt et sa troupe illustrent pleinement la marque de la « vengeance juive » présente pour massacrer du Nazi. C'est pourtant ce contraste important qui fera le charme de l'œuvre. En opposant le sadisme classieux de Landa et la force bien plus rustique d'Aldo («Vous avez tressailli»), Tarantino construit son film le plus certain et le plus grave. Si l'humour est également de la partie, il survient aux instants les plus provocateurs et les plus traîtres. Vocabulaire allant de pair avec le personnage de Waltz, continuellement terrifiant en vicieux homme du monde. Perfide objectif que d'en arriver à faire guetter l'apparition d'un personnage aussi négatif. Il est la pire entité qui pourrait exister et sa composition le rend fascinant. Son écrasement de cigarette dans la crème est l'une des plus belles signature du pouvoir du mal au cinéma; le tout présenté sur un ton aussi doux et inoffensif que la chantilly. Faire triompher le bien pour finalement démontrer que le mal avait plus de charme est un acte terrible. Mais la guerre est gagnée et Hitler profondément laminé avec un humour guerrier. Victoire à Monsieur Tarantino, c'est un bingo !
Rat
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le 23 mars 2013

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Rat

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