Infidèle par pierrick_D_

Autopsie d'un adultère.Un vieil homme,dont on devinera assez vite qui il est,entretient des conversations imaginaires avec une jeune femme qu'il croit voir et qui lui raconte son histoire,d'où alternance de scènes entre ces tête-à-têtes et des flashbacks qui nous font découvrir les évènements du passé.Liv Ullmann,une des actrices fétiches du grand Ingmar Bergman,a réalisé quelques films,mais celui-ci est assez particulier en ce qu'il a été écrit par Bergman et semble contenir de nombreux éléments biographiques impliquant le scénariste et la réalisatrice,Liv et Ingmar ayant autrefois vécu ensemble.Le début est on ne peut plus banal.Marianne est mariée à Markus,mais le trompe avec David,le meilleur ami de son époux.Il faut savoir que le nom de David,qui est metteur en scène,est Bergman,et que Marianne est comédienne,comme Liv Ullmann,laquelle jouait un personnage prénommé Marianne dans "Scènes de la vie conjugale" et sera à nouveau baptisée ainsi dans "Saraband",deux films du Maître.Au-delà de ces troublantes références autobiographiques concernant le couple d'artistes,Liv Ullmann s'est résolument placée sous le haut patronage du célèbre cinéaste suédois,engageant même les acteurs bergmaniens que sont Erland Josephson et Marie Richardson.Mais elle est allée plus loin encore en essayant carrément de faire un film bergmanien.Du coup,c'est lent,c'est long,c'est sinistre,c'est minimaliste,avec peu de personnages et peu de décors, essentiellement des intérieurs.Seulement voilà,elle n'est pas Bergman et n'a ni sa puissance,ni son acuité,ni sa dureté confinant parfois au sadisme.Tropisme féminin sans doute,et "Infidèle" se révèle souvent ennuyeux et plus mélodramatique que cruel.D'autant que le procédé des aller-retours dans le temps alourdit le propos et ralentit une narration déjà pas rapide.On peut également déplorer une certaine préciosité,étayée par des dialogues parfois abscons créant une fâcheuse distance avec les personnages et de la musique classique à haute dose pour faire élitiste.Autre inconvénient,on ne comprend pas comment Marianne,vive et charmante,peut tomber amoureuse de David,moche,gras,alcoolo-dépressif,qui est par ailleurs un sale con et un jaloux pathologique.Rappelons que ce type,c'est la projection de Bergman par lui-même.Si c'est ainsi qu'il se voit,on peut dire qu'il ne s'est pas fait de cadeau.Ce qui se conçoit,car il a apparemment écrit ce scénario dans un but expiatoire.Sinon,ça parle de quoi?D'adultère bien sûr,tous les mécanismes en étant décortiqués.Des mensonges,des rendez-vous secrets,la question de se mettre ensemble ou pas,l'obstacle constitué par l'enfant,Marianne et Markus ont une petite fille,le côté ludique de la situation,qui peut être vue comme un jeu.Jusqu'au coup d'arrêt avec l'irruption du cocu dans le nid d'amour des tourtereaux.Et là c'est plus amusant du tout,le jeu tourne au drame lors de cette scène vaudevillesque que le théâtre de boulevard a tellement traitée à la rigolade.Au point que les deux amants peinent à retenir un rire nerveux face à un mari étonnamment froid et détaché.Le film parle aussi du divorce,cet évènement devenu si anodin à notre époque,mais que Bergman considère comme un drame absolu,ce qu'il est souvent.Il décrit la difficulté à vivre sans l'être qui servait de repère intangible dans l'existence,le refus du renoncement,et les ravages exercés sur la psychologie fragile d'enfants impuissants et pas épargnés par les guerres que se livrent les adultes.Autre sujet abordé,la passion amoureuse,très beau sentiment au départ,qui aboutit souvent à des catastrophes.Quand les humains se laissent submerger par des raisons que la raison ignore,ils risquent fort d'en payer le prix,et de le faire payer aussi à leur entourage.Et pour un résultat pas garanti dans la durée,car la versatilité des gens peut tout remettre en question du jour au lendemain.Les histoires d'amour finissent mal en général,n'est-ce pas?"Infidèle" peut en outre être vu comme un film féministe.Marianne,qui est pourtant l'élément catalyseur de l'affaire,parait être le seul personnage moral du film.Certes,elle trompe son mari,mais elle a l'excuse d'être amoureuse et va à partir de là assumer ses choix.Tandis que les deux mecs se comportent comme des merdes.Lâches et faibles,ils ne sont capables que d'utiliser leur capacité de nuisance.David est infoutu de soutenir Marianne quand elle en a besoin,et Markus,tout à sa vengeance,ourdit des manigances ignobles à l'égard de sa femme,mais aussi de sa fille,qu'il n'hésite pas à instrumentaliser, jusqu'à l'impensable,afin de punir son ex.Et on découvrira in fine qu'il n'était lui-même pas clair question contrat de mariage.Puis finalement on s'aperçoit que le film traite avant tout du destin,et de ce sort qu'on croit dominer alors qu'on ne contrôle rien du tout.Au fond,une simple phrase aura suffi à faire basculer le destin de tous les protagonistes,entraînant des réactions en chaîne style battement d'ailes du papillon.C'est ce fameux soir,quand David vient chez ses amis prendre un verre,en l'absence de Markus,et qu'il adresse à Marianne cette question:"est-ce que tu veux qu'on fasse l'amour?".Ce soir-là,il essuiera un refus,mais Marianne repensera à cette demande et ce sera le début de l'engrenage,alors que tous auraient pu continuer leur vie comme avant.Tout ceci représente évidemment une manière bien sombre d'envisager ces thèmes,mais Ingmar n'était pas un marrant,plutôt un puritain austère et pessimiste.Les acteurs ne sont pas très bons,à l'exception de la belle et lumineuse Lena Endre,qui dans le rôle principal porte le film.