Premier long-métrage d’un réalisateur méconnu, In the family est un film singulier, lent à démarrer mais qui une fois son rythme trouvé nous entraîne avec fluidité dans une intrigue complexe. Le film pose une réflexion sur le statut contemporain de parent, une thématique totalement nouvelle au cinéma. Sorti en 2011 aux États-Unis, le film a mis plus de trois ans à trouver un distributeur en France, avant qu’Ed Distribution décide de nous offrir cette petite pépite.


On suit le quotidien d’une famille américaine composé de Chip, jeune bambin de 6 ans et de ses deux papas, l’un biologique Cody et l’autre adoptif Joey. Mais lorsque Cody décède dans un accident, sa famille décide de retirer la garde de l’enfant à Joey, sous prétexte qu’il n’a pas de lien de sang avec l’enfant et qu’il est mieux qu’il soit auprès des siens. Désespéré, Joey tente de regagner à tout prix la garde de Chip, qu’il considère comme étant son fils.


Le film repose sur la prestation grandiose de Patrick Wang, qui interprète Joey avec un cœur et une aisance ahurissante, à tel point qu’on se demande si il ne s’agit pas d’une histoire personnelle et non d’une fiction. Également réalisateur, scénariste et producteur, la réussite du film est indubitablement la sienne. Le casting, composé de comédiens peu connus, séduit par son jeu simple et émouvant.


Le film se distingue par un scénario très bien construit et articulé autour de trois phases : la vie de famille heureuse, le deuil et le combat de Joey pour regagner la garde de Chip. Simples, clairement délimitées, ces trois parties ne cessent pourtant de nous surprendre par l’émotion qu’elles véhiculent. On s’y attend mais on ne peut s’empêcher d’y succomber, emporter par leur fraîcheur et leur générosité.


In the family évite les écueils du genre. L’homosexualité, pourtant présente, n’est absolument pas un sujet porteur du film et se fond avec naturel dans le film sans impacter le sujet principal qui reste le statut de parent.


Chez Patrick Wang, il y a deux choses qui marquent, les plans filmés de bas ou de dos et les tables. Présentes presque en excès, elles font partie intégrante du décor autant que les personnages eux-mêmes. On les retrouvera dans son nouveau film Les Secrets des autres. La cuisine, par exemple, accueille un nombre incalculable de scènes et son évolution s’adapte à celle des personnages. D’un lieu accueillant, ensoleillé et plein de vie, elle devient subitement (après la mort de Cody) une pièce morne, éclairée d’une lumière blafarde presque blanche, rappelant une chambre d’hôpital.


L’attention portée à la mise en scène est flagrante. Le cadre est doux, les ambiances feutrées, le mobilier évoque l’harmonie et la douceur d’un cocon familial. Il en va de même pour les émotions, elles transparaissent rarement sans pour autant que cela en atténue leurs portées. Elles sont vécues intérieurement pendant la majeure partie du film et cela s’en ressent parfois dans la mise en scène, un poil trop laborieuse. La dernière demi-heure balaye cependant cette attente. Dans une déposition, Joey tente de convaincre la famille de Chip de lui redonner la garde de l’enfant. Au travers d’un monologue poignant, il fait basculer le film dans une dimension émotionnelle supérieure.


Dans un cinéma indépendant américain de plus en plus aseptisé, In the family agit comme une bouffée d’oxygène et dévoile tout le talent d’un réalisateur peu commun, Patrick Wang. Passé d’abord par le théâtre avant d’envisager une carrière de réalisateur, il privilégie une mise en scène sobre, des plans fixes, présentant souvent les personnages de dos, ou les observant à la hauteur d’un enfant. Plutôt que de souligner les expressions et les émotions des personnages, les plans d’ensemble permettent de redonner aux spectateurs la possibilité de se forger une opinion personnelle et non prédéfinie par des images imposées.


Même si les 2h50 du film peuvent sembler parfois un peu longue, elles donnent au cinéaste de bâtir son univers, d’y laisser évoluer ses personnages, de voir quels choix ils effectuent, quelle direction ils prennent. La force d’In the family n’est pas son propos, assez inhabituel pour être souligner, mais son incroyable capacité à donner vie à ses personnages, à tel point que leur combat en devient universel. Bouleversant !

Paul_Gaspar
8
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le 21 avr. 2021

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Paul_Gaspar

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