D'un grand intérêt historique et social, ce film nous conduit le long de la vie d'Alan Turing, célèbre mathématicien et génie de la cryptographie.

L'aura de Benedict, qui l'incarne, gouverne tout le film. Il a dans sa voix grave une tension énigmatique, d'abord révélée dans la voix off. Puis son visage à la beauté irrégulière et les expressions qu'il en tire reflètent avec justesse l'agitation mentale et émotionnelle du personnage.

Dès le début du film, une phrase percute :
"But if you choose to stay, remember you chose to be here. What happens from this moment forward is not my responsibility. It's yours."

La responsabilité est à mes yeux LE sujet du film. Elle compile un grand nombre de subtilités : le fait d'assumer ses actes, de faire face à sa culpabilité, d'être intègre sous le regard de l'autre et à l'égard de soi-même.

L'intrigue majeure concerne la pénétration du mystère de la Machine Enigma dont les Nazis se servent pour communiquer entre eux. Par la construction d'une machine analysante, tel un ordinateur primitif, et grâce à une petite illumination scénaristique, Turning et son équipe parviennent à décrypter les codes nazis.
Ils ont dorénavant le sort de nombreux soldats et civils entre leurs mains, car bien entendu, il n'est pas envisageable que les Nazis découvrent qu'Enigma a été brisée. La responsabilité quasi divine de décider de la vie ou de la mort confronte les personnages à leur conscience morale.

D'autre part, Turning est mis à mal par ses difficultés socialisantes. Lors des flashbacks, on remarque qu'il était brimé avec cruauté par des camarades de classe, et ne comptait qu'un seul vrai ami. La certitude qu'il a dans l'éminence de son esprit lui donne la figure du mépris. Sa rencontre avec Joan lui amène la conscience que le respect des autres ne s'obtient pas seulement par l'admiration d'un esprit génial. Il est responsable de cette aura arrogante qui accompagne ses interactions. Par de petits gestes maladroits et tendres, comme quand il offre des pommes, il découvre l'émotion d'être soutenu contre l'autorité mortifiante.

Se pose aussi la problématique de l'homosexualité. La société de l'époque suintait l'homophobie, et les actes pédérastes étaient punis par la loi. Ainsi, le fait d'assumer sa tendance sexuelle était paralysé par la peur de la déconsidération. La responsabilité de le révéler impose alors la nécessité d'abandonner son intégrité physique au service de la conformité sociale. De ce fait, Turning abjure au final ses désirs et sa condition en choisissant de conserver sa liberté intellectuelle. Mais le drame de l'histoire tient dans cette évidence : le corps et l'esprit ne sont pas deux choses distinctes, contre l'avis cartésien établi, mais sont de la même essence. Ainsi se priver de l'un conduit à l'escamotage du second.

Pour conclure, c'est l'histoire d'un homme soumis à son propre génie, un homme qui n'a pas fini de porter le deuil d'un amour trépassé, un homme qui a l’exigence de vivre pour incarner à jamais la phrase qui habite originellement chacune de ses décisions :
"Sometimes it is the people no one imagines anything of who do the things that no one can imagine."

Pour l'Histoire et la fascination des esprits pénétrants
Verlaine
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le 23 févr. 2015

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