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Dans les Glen, un quartier afro-américain défavorisé d'une grande ville américaine, Fontaine voit ses activités de dealer de plus en plus menacées par la concurrence. Alors qu'il se rend chez un de ses plus gros clients, Slick ("élu mac de l'année en 1995" selon ses dires), pour récupérer son argent, les membres d'un gang adverse le crible de balles et le laisse agoniser dans sa voiture.

Pourtant, le lendemain, Fontaine se réveille comme si de rien n'était dans son lit, indemne, et reprend son quotidien répétitif. Mais, quand il recroise Slick, accompagné d'une de ses prostituées Yo-Yo, et que tous deux lui annoncent avoir assisté à son meurtre, Fontaine réalise que quelque chose ne tourne vraiment plus rond dans son quartier...


Situé quelque part entre un "Get Out" et un "Sorry to Bother You", ce premier film réalisé et coécrit par Juel Taylor évente certes son premier gros tournant SF avec son titre (encore que la plénitude de son sens se révèlera vraiment bien plus tard) mais, rassurez-vous, ce n'est en réalité que le sommet de l'iceberg d'une intrigue qui va d'abord se nourrir d'une certaine réalité sociale moderne, ici sciemment figée dans un visuel anachronique de film de blaxploitation 70's (le grain à l'image, la mise en scène, les looks de personnages... tout y concourt), pour ensuite basculer vers une espèce d'improbable thriller parano-satirique, s'appuyant sur des standards SF rétros en vue de faire résonner la détresse de toute une minorité maintenue en vase-clos dans l'architecture sociétale américaine.

Et il faut bien avouer que tout autant l'idée que son exécution sont plutôt malignes !


Non seulement par l'immobilisme que les partis pris esthétiques du film traduisent, ils deviennent à la fois serviteurs des objectifs fantasques de son récit et signaux d'alarme d'une communauté laissée captive de ses caricatures, mais aussi par son délire conspirationniste en lui-même, poussé très loin avec le concours d'un équilibre bien entretenu entre humour, clins d'oeil à tout un genre (mentions spéciales à la poursuite en mode "Invasion des Profanateurs" et au grand final) et des relents bien plus dramatiques qui n'oublient jamais la gravité sociale sur laquelle son propos se fonde.

Sur ce dernier point, même si une guest star se révèle particulièrement bien choisie pour incarner le visage d'une Amérique blanche prête à tout pour assurer sa pérennité, le long-métrage aura la bonne idée de ne pas sombrer dans le plus bête et méchant des manichéismes attendus au vu des forces en préférence, préférant plutôt concentrer ses flèches sur la notion plus générale d'assimilation jusqu'au-boutiste, irrationnelle, fondée sur des raisons viciées, et ce grâce à un dernier rebondissement plutôt bien vu pour y raccorder certains éléments installés en amont.


Aussi, l'autre grande qualité de "Ils ont cloné Tyrone" est sans conteste son trio d'enquêteurs de circonstances: un dealer, un mac et une prostituée se réclamant tout autant à voix haute d'un Scooby-Gang improbable que de pieds nickelés perdus dans une aventure à la Nancy Drew face à la plus invraisemblable des machinations. Entre un John Boyega taciturne au grand cœur, un Jamie Foxx hilarant et une Teyonah Parris que rien n'arrête, l'alchimie prend instantanément pour nous régaler d'échanges toujours plus incongrues devant l'excentricité réjouissante des situations et devient même partie intégrante de la coolitude générale de l'entreprise au même titre que son approche formelle et sa bande-son très réussie ! Sans eux, le film de Juel Taylor n'aurait clairement pas la même énergie.


Eh oui, malgré tous les atouts à sa disposition, "Ils ont cloné Tyrone" se heurte à sa trop longue durée qui fait retomber le soufflé de son récit à maintes reprises, notamment lors d'une phase de résilience de Fontaine se transformant en temps mort interminable vu qu'on la devine, par essence, temporaire avant l'évidente reprise en main de son destin.

Le long-métrage aurait vraiment à gagner à ne pas s'étaler à ce point, d'autant plus que sa construction scénaristique globale assez basique en devient criante au-delà de la fantaisie du contenu. C'est peut-être là que le film trouve ses plus grandes limites, gaspillant ses forces sur une durée trop importante, ce qui l'empêche d'aller se placer aux côtés des titres célèbres cités en ouverture de cette critique.

En l'état, il en reste un variant très amusant, bien pensé et dont le voile sur la conspiration ahurissante mérite d'être levé en compagnie de son excellent trio de héros. À découvrir.

RedArrow
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le 21 juil. 2023

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RedArrow

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