Après La Strada, Fellini délaisse pour un temps le monde du spectacle mais continue d’employer un étranger dans le rôle-titre : Broderick Crawford remplace à ce titre Anthony Quinn, même s’il faudra longtemps pour se rendre compte qu’il s’agit de son film & pas celui d’un autre.
Surtout qu’en-dehors de Franco Fabrizi, c’est un autre anglophone, Richard Basehart, qui joue un deuxième rôle sous-coté chez le réalisateur italien. Si cela paraît confus, ce n’est rien en comparaison de l’amorce : Fellini a peut-être participé à rendre la période néoréaliste moins austère, mais c’est une vraie difficulté de percer les secrets de son capharnaüm ambiant.
Le trio laisse entrevoir le gang de délinquants attachants qui sera la marque de fabrique de générations de cinéastes, mais comprendre leurs motivations sera aussi dur pour le spectateur que pour les proches fictifs de ces criminels, qui parfois (comme Giulietta Masina, trop mise en avant sur les affiches, mais qui était influente en sa qualité de femme de Fellini) sont tenus à la périphérie du flou.
Heureusement, le film n’a rien d’autre de flou, & il ne faut pas mettre sur le compte de l’erreur ce que l’artiste avait besoin de mettre en œuvre pour que la chose se présente sous un angle propice. Les trois amis, collaborateurs nettement plus dramatiques que Mes chers amis de Monicelli, sont révélés sous le jour de leurs délits, & dans cette représentation incroyable de la douleur dont Fellini avait le précoce secret, leur déni se révèle. Ces semi-mafieux nous sont familiers & se saluent en fanfaronnant que l’autre est beau comme un astre, & ce sont en effet de véritables supernovæ filmiques qui sont transmises par l’attention successivement accordée à l’un puis à l’autre.
Pleinement imparti d’une narration doucement évolutive rendue d’autant plus délicate que le montage était particulièrement technique à cause des nombreux points de vue voulus par le régisseur, Il Bidone ne dément pas son géant même en-dehors de son thème fétiche : il établit la psychologie criminelle avec de l’avance & du brio, sans jamais ignorer une part de spectacle et d’humour qui rendent le tout parfaitement digeste.
→ Quantième Art