Ici et Là-bas, premier long-métrage du réalisateur espagnol Antonio Méndez Esparza, fait la chronique du retour au pays de Pedro, père de famille mexicain ayant travaillé clandestinement aux Etats-Unis pour subvenir aux besoins de sa femme Teresa et leurs deux filles Lorena et Heidi.

Il faut préciser que le réalisateur a réellement rencontré Pedro aux Etats-Unis et l’a filmé pour un court-métrage intitulé Una y Otra Vez. Une relation entre le filmeur et le filmé s’est créée, et c’est naturellement que le premier a décidé de filmer le retour du second au Mexique. A la manière de Robert Flaherty (pour Nanouk, L’Esquimau en 1922, par exemple), Méndez Esparza raconte ce retour en réécrivant le réel et en filmant des acteurs non-professionnels qui jouent leur propre rôle. Ce dispositif donne quelques très belles scènes, comme lorsque le père chante pour sa femme et ses filles. Celles-ci, hilares et complices, lui donnent de l’argent comme s’il s’agissait d’un mendiant. Les rires des filles, la bienveillance de Teresa et la timidité de Pedro transpercent alors l’écran, et un sentiment de vie nous atteint. Ce sentiment est possible grâce au recours au plan-séquence qui est, pour André Bazin, le garant du réalisme. Ainsi, il est utilisé tout au long du film et permet des choses inattendues, notamment pendant la visite de Pedro à une femme ayant perdu son fils. Hasard et beauté de la vie font que le soleil entre et sort de la pièce, conférant à la scène une dimension poétique. En mélangeant de cette façon le documentaire et la fiction, le réalisateur invente un film hybride.
Toutefois, ce mélange qui aurait pu être la force du film, est en réalité sa limite. En effet, le film ne prend pas et laisse le spectateur en-dehors de l’histoire. On se sent étranger à cette famille, à l’image du père qui reste bord cadre lors d’un petit-déjeuner avec ses filles, qui n’ont rien à lui dire et qu’il ne connaît plus. Pire encore, on reste hermétique devant ce qui leur arrive (c’est-à-dire pas grand-chose) car le réalisateur n’arrive pas à nous inclure au sein de cette famille. Ainsi, aucune identification n’est possible. La conséquence étant de ne rien ressentir devant un père qui tente de sauver la vie de sa femme et de leur nourrisson. Tout cela est surtout du à l’absence de narration et de psychologie des personnages. Mais bien loin d’avoir le talent d’Antonioni, le jeune réalisateur en demande trop au spectateur qui est contraint d’observer le quotidien ennuyeux – filmé en plans-séquences fixes interminables – de ces personnages. A cela s’ajoute une confusion qui transparaît à certains moments : sauts dans le temps pas présentés par la mise en scène et arrivée d’un nouveau personnage (un adolescent qui flirte avec une fille) pas identifié.

Une beauté formelle aurait pu sauver le film, mais la photographie presque laide le coule. Malgré quelques idées, Ici et Là-bas demeure trop exigeant et soporifique pour pouvoir être apprécié.
AudeM
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le 26 mars 2013

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