I Love You, Daddy
6.6
I Love You, Daddy

Film de Louis C.K. (2017)

J'avais un peu peur de voir ce film (tout en ayant hâte de le voir). Pour deux raisons. D'abord parce que j'adore sa série "Louie". Et je craignais que cette tentative cinématographique soit un échec. Un peu comme Larry David qui n'écrit jamais aussi bien que lorsqu'il bosse sur le format sérial, sur le sujet du quotidien. Louis CK, c'est pareil, il est bien plus à l'aise à décrire le quotidien que lorsqu'il veut créer des personnages fictifs. Et ici, on comprend dès le pitch que ce ne sera pas tout-à-fait pareil. La deuxième raison : les accusations à son encontre. Parce que je savais qu'il serait impossible de ne pas y penser pendant le film. Et que ça aurait pu nuire mon jugement. Peut-être d'ailleurs que mon jugement a été altéré par ces événements. Je ne sais pas. Tout ce qu je sais... c'est que ce film est foutrement bon.


L'intrigue est simple. Sans doute manque-t-il un objectif clairement énoncé en début de film afin de mieux le structurer ; la mise en place est longue, mais les situations sont bien exploitées et Louis trouve un bon rythme pour développer les situations. Du coup, on ne trouve pas de temps mort, la narration est fluide.


Les personnages sont bons. Très bons. C'est le point fort du film. Des personnages masculins et féminins simples ou complexes mais tous exploités avec jusqu'au-boutisme ; cela permet de tirer tout le comique de situation vers le haut, c'est radical ! Les relations entre chaque personnage sont bien exploitées aussi. On regrette juste que certains personnages ne rencontrent pas d'autres plus souvent.


Louis aborde un sujet intéressant. Son intelligence c'est de ne pas donner une réponse à ses questionnements, mais plutôt de démontrer la complexité de la question. Chaque personnage apporte un point de vue, une vérité. Et chacun a raison. Et chacun a tort. Et la réalité, en fait, se construit de par ces confrontations de vérités. Car ces chocs ont des répercussions, font agir les personnages d'une manière ou de l'autre. Et renforcent leurs convictions. C'est très fort. Parce qu'on comprend ce que chacun pense, on comprend les raisons de l'un et de l'autre, même s'ils s'opposent. Ce n'est pas très développé non plus, Louis joue avec les extrêmes, mais ça marche délicieusement bien et la nuance vient de ces affrontements.


La mise en scène est sans doute le point faible du film. J'apprécie ce noir et blanc, j'apprécie cette sobriété scénique ; mais il faut admettre que le noir et blanc manque de contraste et il faut admettre que le découpage est parfois un peu maladroit. Par moment, on dirait que Louis ne sait pas trop quoi faire de sa caméra : utilisation d'une grue en intérieur (ou en tous cas des mouvements qui rappellent le mouvement d'une grue), utilisation de la double focale (à la DePalma) alors qu'une simple gestion de la lumière aurait suffit à avoir les deux personnages nets (ceci étant dit, dans de nombreux cas, l'utilisation de la double focale apparaît comme un caprice de réalisateur et pas du tout comme une articulation grammaticale au service du médium). Son découpage est parfois un peu bizarre (mouvement interrompu par un autre mouvement similaire). La musique est parfois mal insérée (on sent l'hommage aux vieux films, mais il manque toute une construction pour amener l'air musical, il ne suffit pas de l'insérer n'importe quand pour créer une ambiance).


Mais bon, tous ces défauts n'enlèvent rien à cette impression générale de sobriété. De plus Louis filme ses acteurs de manière à leur laisser de l'espace pour être drôle. Et puis il a le sens du timing. Il sait prolonger un plan pour tirer du rire d'une situation. Il sait créer ces petits moments embarrassants. Il sait aussi diriger ses acteurs pour servir ses idées. Tout le monde joue bien. Louis fait son Louie mais en un peu différent. Et les autres acteurs font du très bon boulot. Malkovitch est parfait en vieux réalisateur un peu pervers. Chloë Grace Moretz est parfaite dans le rôle de cette ado pourrie gâtée. Charlie Day est excellent lorsqu'il mime la masturbation. Je ne vais pas faire toute la liste : tout le monde semble s'amuser et adéquat pour le rôle choisi.


Bref, "I love you daddy" est une très bonne comédie, sans doute un hommage à Woody Allen mais un film clairement signé Louis CK.

Fatpooper
9
Écrit par

Créée

le 28 avr. 2018

Critique lue 1.1K fois

3 j'aime

5 commentaires

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

3
5

D'autres avis sur I Love You, Daddy

I Love You, Daddy
New_Dawn
8

Dissonance cognitive

Film conçu à l'origine comme une déclaration d'amour au Mahnattan de Woody Allen, couplé à un questionnement sur les agissements et accusations portés contre ce réalisateur que Louis CK admire, le...

le 28 déc. 2017

3 j'aime

4

I Love You, Daddy
kevsler
7

À mon secours, pardon

Rappel des événements : En 2017, Harvey Weinstein (le gars le plus puissant d'Hollywood, face de gros porc, et le physique qui va avec) est révélé comme étant un gros pervers sexuel, abusant de son...

le 20 avr. 2018

3 j'aime

I Love You, Daddy
eliegirard
7

I LOVE YOU, DADDY

Ce que je retiens - La qualité des personnages secondaires (Paula, l'assistante de Glen, son pote acteur débridé, Pamela Adlon, son ami pushy et moralisatrice...) qui donne lieu à des séquences de...

le 4 févr. 2018

2 j'aime

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

121 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

115 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

103 j'aime

55