Issus d'une contre-culture des années 60, les hippies n'ont pas tous pour doctrine l'humanisme, le féminisme et le pacifisme. Ceux qui viennent d'arriver à Valley Hills, trou perdu d'une quarantaine d'habitants, semblent par exemple privilégier la violence et le chaos. Mais cela n'a que trop duré... Pour les punir d'avoir violenté son grand-père, un jeune garçon décide de leur vendre des tourtes dans lesquelles il a innocemment injecté le virus de la rage ! Malheureusement pour Valley Hills, les effets ne sont pas ceux escomptés et bientôt, nos hippies défoncés au LSD et à la tourte vont perdre tout contrôle et s'adonner au crime de masse...

La fin des années 60 place sous le feu des projecteurs un bien triste personnage, Charles Manson. Raciste, voleur, violeur et proxénète, Manson est aussi un individu doté d'un charisme hors du commun qui lui permettra rapidement de fonder une «famille» de substitution à celle qu'il n'a jamais vraiment eue. Convaincue par les prophéties de Manson, cette famille essentiellement constituée de jeunes hippies commettra plusieurs meurtres, dont celui de Sharon Tate, épouse de Roman Polanski. Les atrocités perpétrées par la bande marqueront bien évidemment les esprits et apporteront de l'eau au moulin des «braves gens» (dans le sens Brassens du terme). Dès lors, les hippies ne seront perçus par certains que comme des individus instables rendus fous par la drogue. Cette image bien peu radieuse du «flower power», David E. Durston décide de la faire sienne pour donner vie aux personnages de son PHOBIA, rebaptisé I DRINK YOUR BLOOD lors de son exploitation en double programme.

L'idée n'est bien évidemment pas de faire dans la dentelle et les consignes sont du reste très claires. Lorsque Jerry Gross, directeur de la Cinema Industries, propose à Durston de prendre la direction d'un film, le but n'est autre que de réaliser le métrage d'exploitation le plus violent et dérangeant qui soit. Le réalisateur enregistre parfaitement la consigne et se souvient alors d'un documentaire traitant d'un petit village Irakien dont les habitants étaient rendus fous par la rage. Ni une ni deux, notre homme décide donc de fusionner deux concepts et crée ainsi un gang de hippies camés, adeptes de Satan et enragés à la tourte ! L'idée peut bien évidemment prêter à la dérision mais Durston entreprend malgré tout de la traiter avec un certain sérieux. La première partie du métrage sera ainsi consacrée aux mœurs de nos chevelus satanistes qui aiment à briser des vitres, égorger des volailles et s'asperger de sang carmin. Plutôt calmes, ces trois premiers quarts d'heure n'ont en réalité d'autre but que de nous présenter une étonnante galerie de personnages.

Commençons tout d'abord par Bhaskar Roy Chowdhury qui tient ici le rôle du «Manson» de cette violente famille. Malgré une expérience cinématographique alors limitée, l'acteur/danseur Indien se montre particulièrement charismatique et parvient sans mal à hypnotiser le spectateur. Passons outre un sur-jeu parfois amusant pour admettre que la performance est d'importance et qu'elle permet de positionner sans le moindre doute le personnage en tant que Leader du groupe. Aux côtés du bonhomme oeuvreront Georges Patterson, lui aussi danseur, ainsi qu'une poignée d'actrices offrant à leur rôle respectif une personnalité forte et bien vue. Nous citerons pour l'exemple Lynn Lowry (LA NUIT DES FOUS VIVANTS, FRISSONS) qui interprète pour l'occasion une muette aussi séduisante qu'inquiétante. Jadine Wong joue pour sa part le rôle de «l'oracle» du groupe, celle qui lit dans les tarots et apporte une touche de sombre mysticisme à l'ensemble. Terminons enfin par Rhonda Fultz qui donne corps à une femme enceinte dont la destinée s'avèrera particulièrement dérangeante. Notons au final que la parité homme/femme du groupe reproduit grosso modo celle constatée dans la famille de Charles Manson et que le nombre d'individus actifs est à peu de chose près le même...

Après donc une première portion de métrage posant avec un certain succès le décor et les étranges protagonistes, le réalisateur David E. Durston accélère très nettement le rythme (jusqu'alors plutôt plat) et entreprend de nous livrer sa vision d'une épidémie de rage. Pour ce faire et comme nous l'avons dit, l'homme s'inspire de faits réels et s'attache à reproduire les différents symptômes avec une certaine minutie. Aux accès de violence s'adjoignent ainsi les hallucinations, l'hypersalivation et pour finir l'hydrophobie. Si la retranscription à l'écran fait preuve d'un zèle notable, le manque manifeste de budget ne permet cependant pas d'éviter un certain «comique» involontaire. La mousse à raser supposée simuler l'abondante salive ne fait par exemple guère illusion et l'on a par instant l'étrange sentiment d'assister à une mascarade des plus naïves. De même, l'hydrophobie chère au réalisateur s'avère assez délicate à appréhender pour le spectateur non-initié à ce symptôme, lequel survient généralement quelques heures avant la mort de l'individu enragé...

Si la mise en images de la rage aboutit donc sur un résultat mitigé malgré de bonnes intentions, ses effets transverses sont pour leur part, parfaitement clairs ! La violence des enragés semble en effet sans limites et les individus infectés n'hésitent pas à s'entretuer, y compris entres proches. Durston verse alors dans un gore très excessif n'étant pas sans rappeler les travaux précurseurs de Herschell Gordon Lewis. On y retrouve ainsi la même approche complaisante de l'horreur graphique couplée à des restrictions budgétaires identiques et toutes aussi invraisemblables. Décapitation, membres tranchés et autres coups de poignards seront donc légions avec à la clef un rendu toutefois variable et aujourd'hui clairement daté. Sans aucun doute conscient de ces limites, Durston ajoute à son métrage quelques séquences dénuées d'effets spéciaux dont l'impact repose uniquement sur leur aspect dément et malsain. Parmi celles-ci, nous citerons celle de l'auto-immolation par le feu, froide et silencieuse, ainsi que les scènes de brutalité envers les femmes ou un vieillard...

Au final, Durston remplit au mieux les obligations qui furent à l'époque les siennes. Le réalisateur nous livre en effet un film généreux, tour à tour cru et dérangeant. Malgré cela, il convient de mentionner qu'I DRINK YOUR BLOOD est un film accusant le poids des années et dont les faiblesses de réalisation ne peuvent qu'être pointées du doigt. Une bonne part des acteurs secondaires n'a par ailleurs jamais joué la comédie et parvient difficilement à le faire oublier... Les amoureux de BLOOD FEAST ou 2000 MANIACS ! devraient néanmoins y trouver leur compte et se sentir à leur aise face à cette œuvre d'exploitation parsemée de bonnes idées.
iGore
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le 21 oct. 2011

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