Ce film est un polar sombre et violent, adoubé par Nicolas Winding Refn, déclarant "le futur du thriller a un nom : Hyena" . Sa déclaration est à l’image de son cinéma : excessif. Régulièrement, un film reçoit les louanges d’un réalisateur prestigieux, comme Quentin Tarantino avec Big Bad Wolves, qu’il avait qualifié de « meilleur film de l’année 2013″. Là aussi, son enthousiasme ne fût pas vraiment partagé. Comme souvent, tout est une question de goût, d’humeur et de sensibilité.


Hyena nous plonge dans différents univers, celui de la corruption dans la police, à travers une équipe de quatre personnages, emmenée par le charismatique Michael Logan (Peter Ferdinando). L’entrée en scène de ces hommes est violente, malgré leurs tenues de policiers, on se demande, si ce ne sont pas des malfaiteurs. Ils ont des physiques imposants et jouent de cette ambiguïté, tout en abusant de l’alcool et de la drogue. Ils font penser à l’unité antigang de la série The Shield, avec cette ligne entre le bien et le mal, devenue si infime, que l’on ne sait plus qui ils sont vraiment, malgré leurs plaques. On va les suivre dans un Londres sale et malsain, où s’affrontent les mafia turques et albanaises, pour le contrôle de la drogue. Mais pas seulement, car il y a aussi la traite des blanches, sous les traits d’Ariana (Elisa Lsowski). Dans ce monde, il n’y a pas de règles, seule la violence est dominante.


On est frappé par l’esthétique du film Hyena, dès la première scène, où la brutalité des faits est fascinante, dans une boite de nuit, illuminée par des spots d’une bleutée envoûtante, le tout sous la musique hypnotique de Matt Johnson. On comprend mieux l’engouement de Nicolas Winfing Refn pour ce thriller, tant cela ressemble à son cinéma. Gerard Johnson maîtrise l’espace à merveille, aussi bien dans le calme, que dans la tempête. Il colle aux basques de son anti-héros Peter Ferdinando, en s’enfonçant avec lui dans les profondeurs de cette ville, où sévit la violence sans limites. Le ton est donné dès le premier meurtre, les Albanais ne font pas de sentiments, c’est un adversaire redoutable, avec lequel il va tenter de s’allier, pour continuer à vivre de la corruption et de ses vices.


C’est un Londres cosmopolite, où se croise les Anglais, Turcs et Albanais, où fusent les réflexions racistes et où se mélangent les traditions culturelles et folkloriques. Les policiers côtoient les voyous, en adoptant leur train de vie, tout en étant sous la surveillance de la police des polices. Un adversaire supplémentaire, dans un récit qui se veut déjà dense et ambitieux. L’intensité des débuts s’efface peu à peu, face aux multiples intrigues et personnages. Le rythme du film s’en trouve pénalisé, avec aussi l’introduction de David Knight (Stephen Graham), qui semble à avoir du mal à se défaire de son interprétation d’Al Capone dans Boardwalk Empire. Il en a gardé les excès et manque de subtilité, dans un rôle, qui en avait besoin.


Le côté obscur de l’être humain est souvent celui qui nous attire le plus et George Johnson, en joue à merveille. On peut lui reprocher d’encenser la violence, qui nous procure souvent des poussées d’adrénaline, en nous secouant dans notre fauteuil, tant elle est brusque et brève. Mais malgré des moments de répits, il ne nous laisse que peu d’espoir et la fin se dessine inexorablement, en se traînant , comme s’il ne s’avait plus quoi faire d’eux, jusqu’à un final frustrant et faussement surprenant.


Le film est brillant dans sa première partie, c’est intense et palpitant. George Johnson s’est inspiré du Bad Lieutenant d’Abel Ferrara pour le personnage de Michael Logan, aussi fascinant que celui interprété par Harvey Keitel, sans toutefois en atteindre la folie excessive. Même si cela reste sombre et étouffant, la seconde partie ne fonctionne que par intermittence, et souvent grâce à la violence. Les enjeux sont pourtant importants et les masques tombent, mais il y a une baisse d’intérêt, rendant le temps plus long. On reste sous le charme de la caméra de George Johnson, surtout dans les bars et boites de nuits, avec cette alternance de bleu et de rouge.


Un polar pas vraiment réussi, mais qui donne envie de suivre les traces de George Johnson. Il y a des scènes et des images qui marquent l’esprit, tout en nous mettant parfois mal à l’aise. Une violence esthétique et fascinante, dans un Londres, où l’argent reste le seul moteur en ce monde, que ce soit pour les financiers ou les voyous et policiers, où seule l’apparence est différente.

easy2fly
6
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le 7 mai 2015

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2 j'aime

Laurent Doe

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