House
7.1
House

Film de Nobuhiko Ôbayashi (1977)

Voyage au bout du mauvais goût

Je ne savais pas grand chose d’Hausu, si ce n’est que c’est un petit classique du cinéma d’horreur asiatique. Le DVD est sorti chez Criterion, signe d’un minimum de qualité, et sur SensCritique, parmi mes éclaireurs, des 7, 8, 9, … (et un 3).
Au premier abord, Hausu ressemble à une niaiserie pour gamines, nous présentant l’histoire de deux copines, Fantasy et Gorgeous, sur fond de musique cucul, dans des décors on ne peut plus factices, et avec une bonne pelletée de filtres de couleurs flashy, et de transitions et d’effets visuels ultra kitschs.
Alors que mon comparse qui regardait le film avec moi exprimait déjà son ressenti, je préférais rester muet, cherchant à me convaincre que tous ces artifices étaient employés avec ironie, et qu’ils seraient désamorcés plus tard lors du passage vers l’horreur.
Une attitude que j’ai eu de plus en plus de mal à maintenir plus le film progressait, et que se poursuivaient les choix de mise en scène douteux. J’aime les univers à part, parmi mes films favoris figurent Suspiria et Dellamorte Dellamore, mais dans Hausu c’est une véritable accumulation indigeste d’idées de mauvais goût, et pire que ça, qui sont dépourvues de sens.
J’ai laissé tomber tout espoir que le film s’améliorerait lors de la séquence du train, où soudainement on passe à du dessin animé (pour la seule et unique fois), puis à un flashback en noir et blanc où certains éléments random passent à la couleur, tandis que les personnages commentent comme si elles voyaient un film !
Non seulement c’est WTF et pas drôle, mais ce type de procédé n’a aucun sens. Ces effets sont purement gratuits : la seconde rencontre avec le vendeur de pastèques à la fin est présenté sous forme de diapositives, mais ça n'a absolument aucune raison d'être !
Et il n'y a aucun semblant de cohérence avec la diégèse telle qu’elle est présentée avant ou après : Hausu passe sans cesse d’une idée, d’un ton, ou d’une intrigue à une autre sans harmonie globale.


Pour ce qui est du ton, impossible de savoir sur quel pied danser non plus. Il y a des gags d’une beauferie stupéfiante, et un en particulier (le type qui se coince les fesses dans un seau, avec l’animation en stop-motion), qui aurait certainement fait honte à Max Pécas.
De plus les changements de ton se font brusquement… enfin, les changements de musique, car c’est la seule chose qui indique si telle séquence est censée être angoissante ou si elle doit être prise avec légèreté, même si ce qui se passe à l’image indique le contraire. Le début du film est difficile à supporter car la musique, à faire passer Hausu pour un feel-good movie, est incessante ; une fois que l’horreur débarque, on a droit à cette musique au piano si souvent répétée que ça en est irritant, et par moments, entre deux évènements surnaturels, un peu de jazz.


Gorgeous invite Fantasy et d’autres amies dans la maison de sa tante. Il y a Sweet, Prof, Kung-Fu, … Je ne sais au final si c’est leur nom ou leur surnom (le premier cas ne me surprendrait pas), mais tous les personnages principaux sont de pures caricatures… et ce n’est même pas un avis personnel, c’est un fait : ce sont toutes des fillettes qui hurlent ou s’ébahissent pour un rien, et elles ne se démarquent les unes des autres que par un seul attribut, qui est désigné par leur nom.
Prof, qui est censée être l’intello, porte des nattes et de grosses lunettes, évidemment. Mais le personnage dont le look m’a vraiment décontenancé, c’est la tante, une actrice d’une quarantaine d’années qui porte une perruque blanche. J’ai mis du temps avant de savoir si c’était juste son look ou si elle était censée être vieille.
C’est une fois dans la fameuse maison que surviennent des évènements étranges, ça se manifeste en premier par une séquence WTF avec un lustre, très évocatrice d’une séquence des Powers Rangers… sauf que les personnages font comme s’il ne s’était rien passé.
Difficile dans Hausu de savoir ce qui est considéré comme normal par les personnages, quels sont les effets visuels qu’elles perçoivent ou non, et quand la musique est extra ou intradiégétique. Il y a une séquence où Kung-Fu affronte des bûches qui volent, mais elle pense que c’était une illusion ( ???).
Le premier incident qui met la puce à l’oreille des gamines, c’est quand une tête décapitée s’envole et mord les fesses de quelqu’un. Ah ok.


Je me serais sûrement marré comme un fou si j’avais appréhendé Hausu comme un nanar, mais je l’ai vu en attendant un bon film, je suis donc resté pendant un temps à espérer qu’il y aurait une quelconque qualité, à un moment, et m’efforçais de prendre le film au premier degré.
Il y a toutefois des passages où, malgré ma détermination, je n’ai pu m’empêcher de rire aux éclats. Du film, non "avec" le film.
Ce passage, qui sort de nulle part, comme toujours, où le chat miaule au rythme de la musique extradiégétique, et va d’avant et en arrière, comme dans un montage Youtube à la con. (j'en ai carrément pleuré)
Et ensuite, cette séquence où une des filles est bouffée par un piano, qui est tout simplement indescriptible. C’est une succession de plans qui ne durent que 2 secondes, mais qui sont chacun un concentré d’effets visuels tarés, non-sensiques et degueux.


Mais même si on adhère au délire visuel d’Hausu (chose que j’ai déjà du mal à concevoir), il y a des aspects du film objectivement mauvais : le changement abrupt de comportement des personnages qui sont calmes un instant puis courent en hurlant sans qu’on comprenne pourquoi, leur raisonnement absurde (après avoir couru dans toute la maison en hurlant, elles pensent à demander à la tante ce qui se passe), les intrigues qui ne mènent nulle part (le prof qu’on voit pendant tout le film se rendre à la maison, et finit simplement enseveli sous un tas de bananes), et tout simplement l’aspect je-m’en-foutiste de l’intrigue et ses tournants (la séquence où le mal est "vaincu", incompréhensible).


Je ne comprends absolument pas ce qu’a voulu faire le réalisateur, aussi bien globalement que dans le détail d’une scène ou d’une autre.
Mon comparse et moi-même avons l’impression d’avoir été trollés, on cherchait une explication : on n'est pas tombés sur le bon film, ou alors le monde entier nous fait une blague. Parce que là, à lire les arguments en faveur de Hausu, c’est équivalent à aduler "Arrête de ramer, t’attaques la falaise" pour son expérimentation, son détournement des codes du cinéma et ses idées décalées en permanence.
Au moins, il faut avouer que, oui, Hausu est original ; j’ai jamais rien vu de tel, et je prie pour que ça n’arrive plus. Je sens que j’en parlerai encore pendant longtemps, parce que je vais rester sous le choc.

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le 20 déc. 2015

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Wykydtron IV

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