Après la force et la beauté de Papicha, l'un des meilleurs films francophones vus ces dernières années, Mounia Meddour continue de creuser le sillon de l'histoire algérienne par le prisme de femmes résistant par les arts.

Si elle capte avec toujours autant de conviction le travail intime porté par la force du collectif, force est de déplorer que le sujet de la femme brisée (danseuse qui plus est) qui tente de se reconstruire rencontre quelques écueils, semblables à beaucoup d'œuvres déjà vues, de En Corps à Mon Roi.

En cédant à quelques facilités - symbolisme trop appuyé (les cages des oiseaux, les "sans-voix") et situations attendues rencontrent une invocation des fantômes du passé (la guerre civile par le récit du père et le personnage de l'ancien terroriste) et du présent (le sujet de la migration malheureuse) malheureusement mal amenée - le film accuse quelques baisses de rythmes, des répétitions, des oublis, et un sentiment de remplissage scénaristique que trahit sa courte durée.

Mais la réalisatrice, qui a conservé l'équipe de son œuvre précédente, n'a rien perdu de sa mise en scène gracieuse, solaire, sensorielle et charnelle, au plus près des corps qui s'épanouissent par leurs mouvements, au plus près des caresses, des gestes de tendresse, de la lumière et des espaces intimes, tout à fait flagrant lors de deux séquences : celle en ouverture, danse sans musique, au rythme du vent, et une autre, centrale, évanescente et comme hors du temps, où la troupe se promène au parc, telles des nymphes de blanc vêtues, tout droit sorties d'un tableau antique.

Lyna khoudri, comme toujours exceptionnelle dans un rôle physique, est habitée, de tous les (gros) plans, et la très jolie bande-originale de Yasmine Meddour et Maxence Dussère, est, à l'instar des chorégraphies, un personnage à part entière, pleinement et intelligemment écrit.

Houria, au plus proche d'une réalité algérienne méconnue, honnête et sensible comme peu de films peuvent l'être, parvient donc in fine à dépasser ses imperfections en dessinant le portrait rafraichissant dans le paysage cinématographique d'une danseuse (classique) éprise de liberté, loin des clichés et poncifs habituels.

Charles_Dubois
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le 30 janv. 2023

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Charles Dubois

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