Enfermer ses personnages dans un lieu commun pour faire exploser les fortes personnalités et mettre en place un jeu de chat et de la souris est un recours narratif plutôt commun. Maintes fois utilisés au cinéma, il est surtout issue de la littérature et des Dix petits nègres d'Agatha Christie mais ce procédé semble revenir à la mode dans des contexte qui semble similaires. Il y a d'abord ce Hotel Artemis, premier film du jeune Drew Pearce qui s'est fait connaitre en co-scénariste d'Iron Man 3 et de Mission: Impossible Rogue Nation, puis plus tard dans l'année il y aura Bad Times at the El Royale de Drew Goddard. Deux films qui viennent placer des criminels au sein d'un même hôtel pour les regarder imploser. Pearce lui choisit la voie de l'anticipation pour son film avec l'ambition clairement affiché d'accoucher d'une série B dans la plus pure tradition carpenterienne.


C'est d'ailleurs le principal défaut de cet Hotel Artemis, c'est à force d'afficher sans vergogne ses influences, il perd toute once d'originalité. Le contexte socio-politique sur le point d'imploser n'est pas sans rappeler certaine thématique de Carpenter mais ici cela reste une toile de fond pas développée, l'hôtel symbole d'un réseau criminelle qui sévit en parallèle du nôtre rappelle John Wick et son univers tandis que la construction narrative en elle-même évoque pleinement les écris d'Agatha Christie. Finalement, le film ne sera jamais vraiment plus que ce qu'il n'affiche et ne peut pas vraiment compter sur des personnages assez peu épais pour venir le gonfler. La relation entre l'infirmière et son aide soignant est plutôt réussie mais lui ne reste que monsieur muscles tandis que elle se voit affublé d'un passé lourd attendu et d'une névrose assez mal gérée et qui sert plus de ressort narratif plutôt que d'un vrai élément qui fait évoluer le personnage. Les autres ne sont pas forcément mieux servis, reste des stéréotypes et ne sont pas assez nombreux ni assez intéressants pour que le film joue sur un quelconque suspense. On a le criminel repenti, la tueuse à gage qui a dû cœur, le riche mégalo détestable, le baron du crime très méchant et son fils qui rêve de suivre ses pas. C'est à peut près de tout ce dont se compose le film et il jouera exactement les scènes dont on s'imagine avec un tel rassemblement de personnages. Heureusement le casting est plutôt en forme et offre tous le meilleur d'eux-mêmes, de la cool-attitude d'un Jeff Goldblum de passage au cabotinage de Charlie Day en passant par l'efficacité monolithique de Dave Bautista tout y passe pour notre grand plaisir. Surtout que le trio principal fonctionne à merveille permettant à Jodie Foster de briller dans un rôle dont on a pas l'habitude de la voir, de donner à Sofia Boutella un vrai rôle badass à sa hauteur tandis que Sterling K. Brown fait office de révélation avec son naturel et son flegme qui le rendent vraiment attachant.


Avec ça, Drew Pearce compose une réalisation solide. On reste sur une série B assez fauché mais le rendu n'a jamais à rougir face à des productions parfois plus massives. Sans pour autant développer une véritable identité, le tout fait le job accompagné d'une bande son de qualité. Dommage que la mise en scène reste assez plate au final. Drew Pearce mise avant tout sur l'ambiance et le suspense même quand il n'a pas le matériel pour, ce qui fait que le tout prend le rythme d'un slow burn et même si on ne peut pas parler de longueurs, une approche plus punchy aurait sans doute été plus pertinente. Surtout que quand l'action se déclenche enfin, Pearce signe des séquences assez peu lisibles et qui manque d'envergure. Hormis l'échauffourée de Sofia Boutella qui vaut vraiment le déplacement. L'ensemble n'est jamais raté mais on reste clairement face à une première réalisation qui va avec ses maladresses et il est dommage qu'après avoir été un dialoguiste et scénariste plutôt capable, Pearce n'a pas totalement misé sur ça pour asseoir la qualité de son film.


Hotel Artemis est une série B efficace et plutôt plaisante à suivre mais elle ne sera jamais bien plus que cela. Le scénario est attendu, ne tire pas profit de son contexte et se pare de personnages assez creux même si ils sont tenus par un casting très en forme. De plus Drew Pearce ne brille pas par la qualité de sa mise en scène, car même si il démontre avoir les épaules pour une réalisation solide, il fait les mauvais choix sur la tonalité et le rythme de son film. Hotel Artemis aurait gagné à être une oeuvre plus pêchu et rentre dedans car sa tentative de se jouer en film d'atmosphère se retourne assez souvent contre lui. Cela reste quand même plutôt plaisant de voir un film qui essaye de prendre son temps pour poser des personnages et une ambiance mais cela aurait été plus gratifiant si tout ça avait eu un peu plus d'épaisseur.

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le 31 juil. 2018

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Flaw 70

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