Horus, prince du soleil
6.2
Horus, prince du soleil

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (1968)

Lettre ouverte à Alex La Biche, ou comment j'ai réussi à apprécier ce film

Je dois remettre les choses dans leur contexte, pour le visiteur qui tomberait sur cette critique. Hier, j’annonçais à Alex la Biche que j'étais convaincue d’être capable d'apprécier tous les Ghibli/quasi-Ghibli, ce à quoi il me répondit de regarder Horus Prince du Soleil, et bon courage pour lui trouver des qualités. Ni une ni deux, ce matin au petit dej', armée de mon bol de Chocapics, je m'attaquais audit film. Eh bien, très cher monsieur l'éclaireur, j'ai remporté ton défi avec brio : j'ai aimé la première collaboration entre Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Vois-tu, je pense que tu ne m'a pas donné le bon film à haïr : celui-ci à une singularité si forte que je peux aisément comprendre que tu l'ai détesté, mais que tu aurais aussi aisément pu comprendre que j'allais trouver moyen de l'apprécier. 
J'y ai retrouvé comme les premières empreintes d'une collaboration qui s’annonçait déjà longue et brillante. J'ai su que je l’apprécierai malgré tout dès les premières images, quand Horus pleure la disparition de son père, et je ne sais pas comment, ces larmes roulant sur les joues du jeune héro m'ont bouleversées. J'ai retrouvé le même sentiment inexplicable plus loin, dans le feu apaisant de la forge du vieillard qui recueille Horus. Je pense que j'y ai retrouvé la délicatesse des dessins et de l'animation de Hayao Miyazaki, qui n'a eu de cesse depuis de s'affiner encore, pour que chaque détail devienne emprunts d'une poésie mélancolique et enivrante. Pour ce premier film, ces extraits ne sont que parsemés, mais il sont comme les œufs de Pâques de chez Disney, un régal et une fierté naïve quand on les trouve. Tiens, Disney, parlons-en. Je n'ai pas trouvé le film bon du début à la fin, soyons d'accord. Évidemment, je te le concède, les chansons (mais qui, bon sang de bois, a jugé utile de les traduire ?!), sont parfaitement insupportable, et beaucoup trop présentes. On a la gênante impression d'un essai raté d’imiter les grandes comédies musicales du studio de Mickey, et cela est gênant comme un grincement de dents. Tu me diras, ça ne rend le personnage féminin que plus froid encore, ce qui n'était, il me semble, pas le but recherché, mais finalement pas forcément en total contradiction avec le propos. Et tiens, tant qu'on est dans les points négatifs, parlons-en du propos : Je te le concède encore une fois, ce n'est pas un film qu'on regarde pour son scénario. En plus de quelques incohérences assez frappantes, l'histoire part dans une démesure telle que c'en est risible. J'ai ri d'ailleurs, devant certains passages tellement invraisemblables qu'ils en perdaient toute leur crédibilité. Mention spécial au personnage qui dit « tiens, c'est surprenant, comment suis-je encore en vie ? ». Effectivement, comment ? On ne le saura jamais, mais au moins l'auteur aura-t-il eu la franchise de faire dire tout haut à ses personnage l'aspect bancal de son scénario.
Mais je parlais de poésie, et c'est bien pour cela, en plus de son aspect « historique » que l'on regardera ce film. Il est beau. C'est tout ce qu'il y a à savoir. Alors certes, il est beau à sa manière, et tous n'y seront pas sensibles. Pour ne rien arranger, je dois admettre que certains effets on vieilli (l'arrivée du titre sur un freeze de l'image, une fermeture à l'iris des plus kitsh, etc.). Mais peu importe, l’essentiel reste. Je dois exprimer ma stupéfaction face aux scènes de combat. Tout à coup, alors que l'action prend une accélération brutale, les auteurs font le choix surprenant de ne plus la montrer qu'avec des images fixes. On a l'impression de basculer dans un film documentaire illustrant une grande bataille par les toiles peintes qui la représente. C'est un pari risqué, mais contre toute attente, cela marche. Le son continue de nous faire suivre l'action en temps réel, tandis que l'image se détache violemment de la temporalité. Et c'est ce paradoxe qui nous fait ressentir la brutalité des combats. Cela m'a fait penser aux films d'horreur qui font le pari de ne pas nous montrer la créature, misant sur le fait que l'imagination du spectateur sera toujours plus horrible que le monstre qu'on pourra lui donner à voir. C'est un peu le même principe ici, et ça fonctionne également aussi bien. Dans la deuxième scène de ce genre, le montage se permet d'alterner entre ces images fixes et des images animés de gros plans sur la marée grouillante qui envahit le village. Je n'ai jamais autant aimé le rendu de fondu enchaînés dans un film.
Oui, parce que des fondus enchaînés, on en trouve à la pelle. En règle général, je déteste ça. J'ai l'impression que le monteur nous crie « Coucou ! C'est moi ! N'oubliez pas que je suis là ! ». Mais ici étrangement, je les ai trouvés, bien que malgré tout trop nombreux, plutôt justes dans l'ensemble. Quand je parlais de la démesure du scénario, je ne parlais pas des séquences de rêves/d'hallucination. J'adore ce type de séquence, quel que soit le film. C'est toujours l'occasion pour l'auteur de nous livrer une vision très personnelle sur un visuel qui lui est cher, sans se soucier d'une quelconque notion de réalisme. Évidemment j'ai apprécié ces séquences pour ça, mais surtout pour la façon dont elles sont amenées : avec un basculement lent, progressif et inconscient. C'est un peu comme basculer dans le sommeil. On ne saurait pas dire exactement à quel moment cela s'est produit, et l'on ne se rend compte qu'à rebours qu'on est déjà passé de l'autre coté. C'est exactement ce qui se passe dans ce film, et que j'ai trouvé captivant. Les paysages, qui sont du début à la fin somptueux (j'ai adoré le conflit entre la présence d'une nature luxuriante, jonchée pourtant de traces de désolation, de souches d'arbres morts, de crevasses sombres, etc.), se dilatent très progressivement pour devenir des toiles abstraites, de simples juxtapositions de plages de couleur, réalisées uniquement dans un souci esthétique. Il semblait alors évident que les fondus enchaînés soient un outil à employer pour souligner cette progression éthérée.
Alors oui, le film est plein de défaut, et ta critique les souligne de façon amusante : oui, certains personnages sont laids, oui, le personnage féminin est niais, oui. Et pardonne moi très cher éclaireur de te dédier cette critique qui doit sûrement suinter la mauvaise fois, sur laquelle j'ai tartiné, en plus mon esprit de contradiction. Mais je resterais sur mon appréciation générale, car malgré tout ses défauts, je lui ai trouvé le charme d'une première œuvre hésitante mais déjà marquante. Rassure-toi tout de même, il n’égale pas Bambi (pardon, il fallait bien que je finisse par faire une référence facile avec ton pseudo). La prochaine fois, donne moi un défi à ma hauteur ;p
Zalya
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le 27 mars 2016

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