Je vous parle quelques fois de documentaires sur le cinéma parce que, quand ils sont bien faits, j’aime bien ça. Ils traitent souvent de sujets oubliés, des hommes de l’ombre ou d’un pan de cinéma bien moins connu que la machine hollywoodienne. Alors après In Search of the Last Action Heroes, après Kung Fu Stuntmen, après Electric Boogaloo, parlons aujourd’hui de Hollywood se Déchaine à Manille, par le spécialiste du docu ciné Mark Hartlet qui avait d’ailleurs déjà pondu Electric Boogaloo cité plus haut, qui s’intéressait à la Cannon, ou encore Not Quite Hollywood qui lui s’attardait sur le cinéma d’exploitation australien des années 70/80. Ici, point d’Australie ni d’Amérique, on file direction les Philippines où tout un tas de petits malins sans scrupules ont vite compris qu’il y avait moyen d’enchainer les bobines d’exploitation à bas coût et d’engendrer pas mal de pognon. Bah oui quoi, c’est vrai, ça ne coûte pas cher les Philippines.


Un peu à la manière des autres documentaires cités ci-dessus, il va être question ici de retracer l’historique de cette période du cinéma américain lowcost qui s’est installé aux Philippines pour arroser le marché des drive-in de petites bobines d’exploitation où vont régner en maitre de la violence, du sang, et plein de boobs. De nombreux intervenants viendront apporter leurs témoignages, leurs anecdotes, aussi bien les producteurs, les réalisateurs, les acteurs que des cascadeurs et autres spécialistes des effets spéciaux. Le tout sera bien entendu entrecoupé d’extraits de films afin d’illustrer les propos. Le ton est ici complètement débridé, et les intervenants parlent sans complexe de cette période du cinéma américain qu’ils ont tous vécue de près ou de loin. On y écoute avec délectation les dires de réalisateurs tels que Joe Dante, John Landis, Jack Hill pour le côté américain, Eddie Romero ou Gerardo de Leon côté philippin, de producteurs ayant engrangé un max de pognon là-bas avec l’indécrottable Roger Corman (toujours dans les bons coups), mais aussi d’acteurs et actrices tels que Sid Haig, Marlene Clark, Pam Grier, Susanne Reed ou encore Margaret Markov qui ont fait leurs armes sur les productions lowcost qui sortaient de tournages parfois dangereux aux Philippines. Les Philippines avaient tout : des paysages parfaits, plus particulièrement des jungles, des techniciens pas chers, du matériel militaire, des figurants à la pelle contents de se faire quatre piécettes, des studios, et surtout on s’y embêtait moins avec tout ce qui concerne la sécurité, ce qui permettait entre autres des tournages rapides avec des cascadeurs interchangeables en cas de pépin. Les façons de travailler qui nous sont exposées seraient impensables aujourd’hui et il régnait à cette époque une sorte de vent de liberté dans ce pays qui était devenu le nouvel eldorado des petites séries B sans le sou mais qui avaient une envie d’en donner pour leur argent au public.


Le documentaire va souvent jouer la carte de l’humour, avec des intervenants qui 40 ans après sont plutôt moqueurs envers ces productions auxquelles ils ont participé, tout en restant bienveillants et parfois même nostalgiques de cette époque. Certains extraits et/ou anecdotes sont sujet à fous rires et permettent de rendre l’ensemble extrêmement digeste pour qui s’intéresse au sujet. Mais il permet également d’en apprendre un peu plus sur une époque un peu particulière des Philippines où le dictateur Marcos a pris le pouvoir grâce à l’armée et l’impact « positif » que cela a eu sur ces productions américaines venus profiter du pays. Les producteurs, grâce à des pots de vins même pas dissimulés obtenaient tout le matériel militaire qu’ils voulaient pour leurs films, aussi bien des armes, des tanks que des hélicoptères et même des sous-marins. La femme de Marcos avait la lourde tâche de s’occuper du rayonnement culturel du pays et, étant fan de cinéma, c’était l’occasion rêvée. Hollywood se Déchaine à Manille va aborder tous les genres par lequel ce cinéma d’exploitation est passé, des films de monstres aux films de prisons pour femmes en passant par les clones de blockbusters et l’impact du célèbre Weng Weng, mini James Bond en herbe dont tous les nanardeurs avertis ont au moins vu quelques extraits des films. Il est d’ailleurs intéressant de voir à quel point ce cinéma débridé était parfois en avance sur son temps, en proposant bien avant l’heure des héroïnes badass dans le cinéma d’action, parfois même de couleur (tel que Pam Grier, Judith Brown ou Marlene Clark). Il est regrettable malheureusement de ne pas avoir droit à des extraits de tournage d’époque qui auraient pu illustrer les propos de certains intervenants. Mais Hollywood se Déchaine à Manille est suffisamment fun et fourni pour passer un excellent moment tout en apprenant les tenants et aboutissants d’une période à la fois peu et très glorieuse de la série B américaine.


Pour les amoureux de bisseries philippinesques et autres Cormaneries, le documentaire Hollywood se Déchaine à Manille est un très bon cru, à la fois informatif et divertissant, qui donne envie de découvrir toutes ces séries B fauchées et de se marrer devant.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/docu-hollywood-se-dechaine-a-manille-de-mark-hartley-2010/

cherycok
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le 22 juil. 2022

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