Des costumes, des décors, un pays exotique et un peintre. Il n'en faut souvent pas plus à mon bonheur. Si le pays, c'est le Japon et que le peintre, c'est Hokusai, forcément, ça augmente encore la probabilité de strike. En prime, si la photographie est soignée, la lumière finement sculptée et l'intrigue extrêmement riche en thèmes profonds, on ne peut guère espérer se planter. Un programme hautement réjouissant, donc, pour cette plongée dans un Japon d'Epinal, où geishas, kimonos et katanas figurent bien évidemment au menu, mais où les enjeux sont éminemment politiques et artistiques, dans une histoire qui réfléchit à haute voix sur la portée du geste artistique. Finalement, pourquoi peignons-nous ? A un peintre qui m'a posé la question il y a des années et des années, j'avais coupé la chique en assénant que je peignais parce que j'avais une expo. C'était évidemment une pirouette, parce que la vocation artistique mérite davantage qu'une simple occasion sociale pour se mettre en branle. Dans ce film, les peintres sont dépeints comme des monstres d'égoïsme, dévorés par leur vanité tout autant que par l'absolue nécessité de saisir le monde. D'embrasser le monde, de l'engloutir, de le digérer, et de le recracher transformé, assimilé, compris... un programme si vaste qu'il confine à l'impossible. D'où ces profils tourmentés si difficiles à saisir ou à apprécier. Parce que l'absolu qui les pousse à toujours dépasser le paravent des apparences en fait des médiums, des vampires et des voleurs. A moment donné, il faut briser quelque chose en soi pour que la lumière s'infiltre et que la vanité soit neutralisée - sublimée - par la poésie de l'acte créateur. Hokusai, comme Hiroshige avant lui dans Ivre de femmes et de peinture (un titre si épouvantable qu'il pourrait condamner ce merveilleux film à l'oubli à lui seul...), finit par tout abandonner et partir se laisser gagner par le monde. C'est quand il s'oublie complètement que le Souffle peut le traverser et qu'il prend alors cette dimension qui lui a assuré l'immortalité. Le propos est donc un peu ronflant, très certainement ambitieux, mais aucunement dénué de justesse. Il est donc question de lumière, d'humilité et de génie dans cette histoire à la magie à la fois ténue et obstinée. Une histoire qui fait toucher du doigt ce que le dessin peut avoir de sacré quand il est pratiqué avec abnégation. Et qui fait réfléchir en creux au rôle de la joie dans l'acte créateur, rien que ça...

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le 20 déc. 2023

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