Hight ground. Ce titre pourrait faire référence à toutes les prises de vue depuis des hauteurs. Tel l’œil d’un oiseau, la camera balaye, s’approche, s’intéresse aux montagnes, aux lacs, aux fleuves, à des paysages magnifiques, à une nature vaste et sans frontières apparentes. Elle zoome aussi sur plein de petits détails, comme les fourmis, les danses, les couleurs. Et elle tient à nous montrer l’osmose des aborigènes avec ces terres. Leurs traditions, leurs mœurs, leur vie en famille. Si par magie, on pouvait ôter tout ce qui concerne le scénario, l’arrière-plan aurait pu devenir un documentaire riche en images et sensations. Ce même visuel, nourrit quand même une certaine ambiguïté. Ces terres qui semblent s’épanouir en apparence sans la présence de l’être humain, sont l’objet d’une convoitise implacable et sans limites. La sensation de liberté se voit très vite encerclée par la présence des Britanniques.
Hight ground est l’histoire universelle entre le peuple envahisseur et le peuple envahi. Ce que les Espagnols ont fait en Amérique aux temps de la sainte inquisition. Les Britanniques avec les zoulous ou les Indiens. Les Japonais avec les Coréens ou sans aller plus loin, ce qui se passe actuellement et dont tout le monde semble peu se soucier, les Chinois envers le peuple ouighour. Sans compter ce que les peuples se font entre eux pour une divergence d’opinion politique ou religion. Ou race. Basé sur des faits réels, le film commence par une scène d’une extrême violence, le massacre gratuit de quelques membres d’une tribu aborigène. Boule de neige, l’un des survivants s’attaque aux blancs en brûlant des maisons et même en tuant une femme blanche. Le choc des cultures dans toute sa splendeur, l’incompréhension, des pensées à des années lumières les unes des autres.
Et puis, l’une des scènes clés qui nous amènent à revoir le sens du titre. Le chef des aborigènes et le chef des Britanniques sur place décident de parlementer. Comme introduction, le chef aborigène danse devant les yeux narquois des blancs. On peut entendre leurs pensées. On trouve cette danse dans la limite du ridicule sans trop savoir où veulent-ils en venir. Ensuite, c’est le tour du Britannique. Il explique que la couronne sur son chapeau représente le roi, et qu’il est habilité à agir en son nom. Le jeune aborigène traduit « ce truc sur son chapeau lui donne l’impression d’être un chef ». Ce qui donne un côté encore plus absurde que la danse probablement ancestrale dont nous venons d’être témoins. Il s’agit vraiment d’une scène qui représente tous les malentendus, les occasions ratées pour arriver à une entente. À savoir que les aborigènes ont accueilli les blancs avec respect, croyant qu’il s’agissait de leurs ancêtres.
Hight ground est un projet qui date de 20 ans. Il s’attelle à nous montrer un pays à travers des images somptueuses, mais son histoire est surtout dirigée par ceux qui se sont crus plus intelligents et plus ayant le droit. Ceux qui regardent de haut des indigènes qu’ils appellent sauvages, sans tenir compte de leur ancienneté sur la terre. La culture la plus ancienne que nous ayons, en l’occurrence. Ce titre nous confirme l’importance que certains êtres humains donnent à la hiérarchie. « Je suis commandant, donc obligatoirement je suis plus que toi, petit sauvage que n’y connait rien.
57 ans se sont passés depuis le tournage du film « Zoulou », de Cyril R. Endfield. Ce film nous oriente vers la croyance que les Britanniques avaient raison de s’attaquer au peuple zoulou. Encore pire. Ce n’est pas qu’ils veulent nous faire croire quoi que ce soit mais plutôt la certitude de leur part d’avoir fait ce qu’ils avaient à faire. À la fin du film, on nous fait un récapitulatif des soldats britanniques décédés, le nombre des zoulous morts n’ayant visiblement aucune importance. Cette époque où l’envahisseur était le gentil, où les indigènes étaient des sauvages dangereux à anéantir semble révolue. Il est toujours très intéressant de revoir des très vieux films pour remarquer à quel point les esprits évoluent.
Même si le caractère, la personnalité de certains des personnages ne semble pas très délimitée, les acteurs interprètent leur rôle d’une façon aussi impressionnante que les paysages généreux et vivants. Ces grands espaces qui n’ont rien demandé. Hight ground aurait pu se passer de ce côté western et presque shakespearien qui éclipse la vraie histoire. Ce que le réalisateur veut vraiment transmettre. L’extrême violence aussi importante ou anodine que la chasse de l’alligator, pêche d’une certaine déshumanisation. Difficile de distinguer si les choses se sont passées comme ça ou s’il s’agit d’une maladresse du réalisateur.
Ce film ne vous laissera pas indifférent. Déjà par sa photographie mais surtout par cette histoire qui semble se répéter encore et encore. Il est exprimé d’une façon très claire « on ne partage pas un pays ». Cette pensée radicale semble, malheureusement, avoir du mal à se désagréger.

Cooleur_Asia
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le 24 janv. 2022

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