Un film de guerre filmé de main de maître mais à la construction inadaptée et aux seconds rôles sacr

Cédric Jimenez est un réalisateur qu’il va falloir suivre car il gravit les échelons de la cinématographie mondiale à grands pas. Repéré avec le petit polar original « Aux yeux de tous » qui a couté trois francs six sous (film vu entièrement à travers des caméras de surveillance), il s’est ensuite vu confier les commandes de « La French » avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche. Un film ambitieux et réussi sur la mafia marseillaise dans les années 70. Le voilà maintenant à la tête d’une coproduction européenne (majoritairement française), tournée en anglais avec des acteurs anglo-saxons et à destination du marché international. Il y a pire comme évolution et on ne peut pas dire qu’elle n’est pas méritée tant le jeune cinéaste sait manier une caméra et filmer ses scénarios d’une manière irréprochable avec goût et un sens de l’esthétique certain. Même si certains avanceront qu’un sujet comme celui de « HHhH » n’a pas à être embelli visuellement, que l’horreur de cette période ne se déguise pas, il est toujours agréable de visionner un long-métrage formellement abouti et appliqué. Et des moments de mise en scène somptueux, il y en a, il n’y a qu’à voir la scène d’introduction sur le superbe musique gonflée d’orgues de Guillaume Roussel.


L’histoire de « HHhH » (qui signifie « Himmler Hirn heisst Heinrich » ou « Le cerveau d’Himmler s’appelle Heinrich) est un pur concentré de film de guerre comme on a pu en voir tant sur la Seconde Guerre Mondiale. Difficile donc d’apporter un temps soit peu de nouveauté sur ce créneau très prisé du septième art. Mais le personnage de ce criminel et haut dignitaire nazi méritait bien un film tant il est méconnu du grand public, alors qu’il fut l’un des plus cruels valets du IIIème Reich. Jimenez choisit une approche narrative qui en vaut une autre. D’abord, il présente la biographie d’Heinrich pour ensuite s’attaquer à la préparation de l’attentat qui causa sa mort par des résistants tchèques pour terminer par la tentative d’exfiltration de Prague de ces derniers une fois l’acte accompli. Le premier tiers est intéressant et concis et on saisit plutôt bien la naissance du mal et la folie destructrice d’un homme. Le second tiers ronronne un peu et on a du mal à se passionner pour les préparatifs quelque peu brouillons des jeunes résistants tchèques. Quant à la dernière, elle permet des soubresauts d’émotion, absente jusque là, et rend brillamment hommage à ces hommes et femmes qui ont donné leur vie pour la liberté.


Néanmoins, cette ossature très hachée n’était pas forcément une bonne idée car cela aboutit à un ventre mou en milieu de film et donne l’impression d’un téléfilm en trois parties. Un téléfilm qui a été raccourci et dont les coupes empêchent de véritablement s’intéresser aux personnages. On aurait aimé en savoir plus sur celui de Rosamund Pike dans un rôle ingrat dont elle se sort avec les éloges tout comme sur la plupart des seconds rôles qui ne sont pas assez creusés (Mia Wasikowska en tête, mais le passé des résistants aurait également pu au moins être survolé pour qu’on s’attache davantage à eux). En revanche, les scènes d’extermination de juifs sont très réalistes et le rendu de ces massacres montre bien la déshumanisation subie par les soldats nazis. On aurait donc apprécié que la classe de la mise en scène soit accolée d’une narration et d’un scénario tout aussi parfaits. Cela rend « HHhH » tout juste plaisant à défaut d’être renversant.

JorikVesperhaven
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le 8 juin 2017

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Rémy Fiers

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