Les nouveaux ravages

"Heureux gagnants" répond à la question que nous nous posons tous dans nos existences capitalistes : "Que se passerait-il si je gagnais au loto ?"

Partant de cette excuse et du postulat de base que l'argent ne fait pas le bonheur, les réalisateurs développent 5 court métrages tous plus loufoques les uns que les autres. Dépassant de loin par son écriture les comédies françaises habituelles, le film se permet d'être à la fois drôle, pertinent sur le fond et rafraichissant sur sa forme. C'est une vraie pépite !

Un film jouissif et drôle

À l'inverse du film argentin de 2014 "Les Nouveaux Sauvages" (dont il s'inspire grandement), "Heureux gagnants" est une comédie. Une comédie française, dont elle emprunte les codes (satire, lutte des classes, auto-dérision assumée, bêtise et mièvrerie amoureuse) et les acteurs (ainsi que leur jeu parfois trop théâtral). Mais son écriture ciselée lui permet de dépasser son thème classique pour fouiller dans la noirceur de l'homme sans partir dans la surenchère. Édulcorant son humour de blagues ou de vraies punchlines, le film déroule pendant 1h45 un comique de situation hilarant. Là où les Nouveaux Sauvages observait le pétage de plombs de personnages ordinaires (auxquels on pouvait toujours s'identifier), ces Heureux Gagnants sont moins proches de nous (1 chance sur 20 millions de gagner) mais tout aussi jouissifs à regarder.

Un format rafraichissant :

Depuis GOT du côté des séries et Marvel du côté des films qui ont poussé l'industrie à rallonger la durée des oeuvres, rares sont les métrages qui arrivent à captiver leur spectateur (moi en tout cas) dans la longueur. Un film d'1h45 qui est un agrégat de 5 courts métrages est une solution parfaite sur la forme pour se placer entre deux mondes. Les réalisateurs sont ainsi forcés de laisser beaucoup plus de place à l'imagination du spectateur et moins le prendre par la main, faute de temps. Bon dieu que çà fait du bien de ne pas être pris pour un débile, ou de ne pas observer un réalisateur qui se la raconte. Cinq histoires en une, c'est aussi l'occasion d'observer tous les aspects d'une même question, et d'y répondre de cinq manières différentes. Comme pour Les Nouveaux Sauvages et à l'inverse des Infidèles, la bonne idée est de conserver les mêmes réalisateurs dans l'ensemble des courts métrages pour conserver une unité de vision.

Encore quelques progrès :

Sur le point de vue de l'humour, de la fraicheur, c'est un sans faute. Fabrice Éboué est extraordinaire, tout comme Anouck Grinberg, mais le cast a quelques inégalités. Le dernier segment, qui fait écho au premier, est une erreur, à tenter de clore une histoire sans raconter quelque chose de nouveau. Il y avait mieux à faire comme envol.

Finalement, même si les twists ne sont pas le coeur du sujet (qui est le kiff de voir ces gens "normaux" péter des cables), l'écriture n'est pas parfaite. Le film reste toujours une comédie et ne développe pas plus ce sujet de fond qui s'arrête toujours à la même pensée unique : l'argent c'est mal, çà pervertit les gens et leurs idéaux. Mais je pinaille.

J'espère que le film marchera en salle, c'est vraiment une proposition qu'on n'a pas l'habitude de voir sur nos écrans, encore moins en France. Allez le voir !