Haute Couture par Prince-Mychkine

Mon 6/10 ne représente pas un "bof" mais plutôt un tiraillement entre des choses qui m'ont beaucoup plu et d'autres qui m'ont profondément dérangée.

Ce que j'ai apprécié :
- Les femmes sont incroyablement belles (au sens large de belles) et très bien filmées. Je me suis sentie émue par cela et ça m'a fait du bien.
- Les actrices sont excellentes, toutes autant qu'elles sont. Chacune développe profondément son personnage et c'est très juste.
- L'amitié et la tendresse entre femme sont très bien représentées aussi.
- Des efforts sont faits pour montrer la diversité des situations derrière les clichés persistants. Par exemple, être "arabe" est différemment vécu par Jade, Souad ou Abel. Être en dépression est différemment vécu entre la mère de Jade et Esther.
- Je trouve qu'on montre rarement les ouvrier-es au cinéma, en cela c'est cool. Par contre, petite frustration : j'aurais aimé qu'on apprenne plus de chose, qu'on montre mieux toute la dextérité de ces couturières haute-couture, et qu'on montre plus de créations Dior aussi.

Ce qui m'a ennuyée :
- Bon on nous refait Intouchable, avec toutes les problématiques sous-jacentes du thème de la rencontre providentielle entre la gamine de banlieue et d'une nana intégrée à la société bourgeoise.
- La base du scénario est vraiment très peu crédible, il faut réussir à faire abstraction de cela dès le début pour rentrer dans le film.
- La frontière entre l'ode au métier (le savoir-faire, qui nous nourrit, qui nous donne une place dans le monde, que l'on transmet…) et l'ode au travail est fine, et parfois se brouille. A certains moments, le message c'est plutôt "Travailler c'est bien, ne pas travailler c'est mal", sans qu'une réflexion politique un peu sérieuse ne soit vraiment proposée.
- Le traitement de la dépression me dérange. La maman de Jade est en dépression sévère pendant tout le film, se médicamente et est très handicapée par sa maladie (elle ne peut pas sortir, est très dépendante de sa fille etc.). Comme on a le point de vue de Jade, on est invité à la voir comme un poids. Ce qui m'ennuie c'est pas que Jade la voit comme cela (car ça se comprend à l'échelle individuelle), c'est qu'on ne nous propose pas une autre vision qui compenserait. Par ailleurs à la fin, Jade explose et dit à sa mère qu'elle ne peut plus l'aider, et d'un coup sa mère sort de son état et se remet sur pied. Je trouve cette représentation très (très) problématique. A la suite de la dispute, on aurait pu la voir aller dans un CMPP ou autre.
- Je trouve qu'on ne montre pas assez que Nathalie Baye n'est pas bourgeoise mais intégrée à la bourgeoisie. A aucun moment on ne montre les potentielles oppressions qui pèsent aussi sur elle et le fossé entre son poste et le reste du monde de la haute-couture.

Je vais terminer par un point sur l'ascension sociale, ou en tout cas le cheminement social de Jade dans le film. Là aussi je suis embêtée car le vécu individuel est réaliste (les rapports aux proches sont bien traités par exemple je trouve), mais il me manque un prisme critique. On voit Jade résister, s'épanouir, s'embellir (physiquement) etc. Je comprends que Jade puisse vivre les choses ainsi, mais le seul prisme proposé comme valide sur cette évolution est celui d'Esther, qui applaudit le processus, évidemment. Mieux développer le point de vue de Souad aurait été intéressant.