L'idée de base du scénario est usée jusqu'à la corde : un grand photographe américain, Harrison Lloyd, envoyé au début de la première guerre de Yougoslavie, est tenu pour mort. Sa femme Sarah refuse de l'accepter et décide de partir retrouver son mari à Vukovar. ça tombe bien, c'est là que se passe la principale offensive serbe (15 000 morts et des accusations de génocide à l'arrivée). En chemin, après avoir manqué de se faire violer, elle tombe sur des journalistes français (Cathy/Marie Trintignant), irlandais (Marc/Brendan Gleeson) et américain (Kyle/Adrien Brodie). Kyle décide d'aider Sarah dans sa mission-suicide. Après avoir été témoins de bien des horreurs, nos amis retrouvent le meilleur ami d'Harrison, Yeager (Kotyeas), venu par amour pour Sarah. Ils arrivent à passer les lignes ennemis contre toute attente, photographient l'extermination des Croates, les femmes violées avec une pancarte "je porte un enfant serbe", l'hôpital bombardé. A l'intérieur, Sarah retrouve Harrison, amputé d'un bras. Il ne la reconnaît pas, en plein shell shock. Elle le ramène. Il finit par retrouver la mémoire quand son fils lui dit qu'il a bien pris soin des fleurs pendant son absence.




Oui, le scénario fait hyper-cliché, mais le traitement est bon et honnête, et malgré sa longueur, ce film n'est pas ennuyeux, pour peu qu'on n'ait rien contre ce genre. Comme souligné dans d'autres critiques, ce film parle du métier de grand reporter et de la position ambigu du photographe-témoin. En ce sens il m'a un peu rappelé "La déchirure", mais il va plus loin, car il tire toutes les conclusions du décalage que vit ce reporter de guerre une fois revenu dans sa vie familiale des beaux coins du New Jersey, et la difficulté qu'il a de retrouver ce cadre paisible, quasi irréel, après avoir vu les damnés de la terre se faire tuer, exécuter, violer.


Chouraqui mise beaucoup sur la caméra portée et des travellings avant et plus souvent arrière qui explorent les recoins de bâtiments en plein bombardements. Mais ces beaux mouvements d'appareil sont déjà présent dans la première partie, en Amérique : Très beaux mouvements autour de Sarah quand elle rentre dans la rédaction, voit tous les gens qui la regardent sans mot dire, comprend qu'Harrison est mort, entre dans le bureau du patron et en ressort, l'air complétement perdue.


Le film capture bien les manières de réagir sous la pression dans un pays en guerre : la tétanie passagère, une forme d'euphorie fébrile pour trouver la bonne route en demandant à des réfugiés qui fuient, vannes tordues échangées par le couple Brodie-Gleeson. Brodie qui retrouve des réflexes de soldat en guidant le groupe de reporters : "Go ! go ! go !", le genre d'acte manqué sous la pression qui fait vrai. Gleeson qui pète complétement les plombs, obsédé par le besoin urgent de sortir d'un immeuble, puis s'appuie contre un lampadaire dans la rue, désemparé.


De même, ces belles images de banlieue américaine du début, si lisses et enuyeuses, renforcent le vérisme brut de la deuxième partie. Des images de guerre saisissantes : deux chasseurs fonçant entre deux rangées d'immeubles en semant des explosions orangées dans leur sillage, des rangées de char vus à travers une fenêtre barricadée fonçant, encadrés par de pauvres gars armés de mitraillettes qui tombent comme des mouches, des cadavres éparpillés autour d'un bus atteint par une roquette... C'est la bonne manière de filmer la guerre moderne, à mon sens. Pas besoin de surenchère dans la bidoche, montrons simplement les effets, les cadavres.


Bon, la séquence où Andie McDowell revêt un sac poubelle pour passer les lignes ennemies, c'est par moment moins crédible (erreur de continuité flagrante vers 1 : 38 : elle a le visage propre alors que dans la séquence précédente, elle l'avait recouvert de terre).


"Harrison's flowers" est un bon film de guerre, avec un scénario sans surprise mais un grand souci de fidélité vis-à-vis du sujet traité, et comme tout bon photographe, il sait se placer au bon endroit, à la bonne distance.

zardoz6704
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films sur les Balkans

Créée

le 13 avr. 2015

Critique lue 598 fois

3 j'aime

1 commentaire

zardoz6704

Écrit par

Critique lue 598 fois

3
1

D'autres avis sur Harrison's Flowers

Harrison's Flowers
SeigneurAo
7

Elie, Andie et Brody en Yougoslavie

Tiraillé entre un amour inconditionnel pour Andie MacDowell et une indifférence teintée d'étonnement pour Adrien Brody, j'ai agréablement navigué sur le flot faussement languide de Harrison's...

le 1 mars 2012

5 j'aime

Harrison's Flowers
estonius
9

Un film qui fait froid dans le dos de part sa violence et son souci de réalisme.

Un film qui fait froid dans le dos de part sa violence et son souci de réalisme. On est parfois proche de l'insoutenable. Le film a le mérite de nous montrer sans filtre toute l'horreur de cette...

le 8 août 2023

4 j'aime

Harrison's Flowers
zardoz6704
7

Critique de Harrison's Flowers par zardoz6704

L'idée de base du scénario est usée jusqu'à la corde : un grand photographe américain, Harrison Lloyd, envoyé au début de la première guerre de Yougoslavie, est tenu pour mort. Sa femme Sarah refuse...

le 13 avr. 2015

3 j'aime

1

Du même critique

Orange mécanique
zardoz6704
5

Tout ou rien...

C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...

le 6 sept. 2013

56 j'aime

10

Crossed
zardoz6704
5

Fatigant...

"Crossed" est une chronique péchue, au montage saccadé, dans laquelle Karim Debbache, un vidéaste professionnel et sympa, parle à toute vitesse de films qui ont trait au jeu vidéo. Cette chronique a...

le 4 mai 2014

42 j'aime

60

Black Hole : Intégrale
zardoz6704
5

C'est beau, c'est très pensé, mais...

Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et...

le 24 nov. 2013

40 j'aime

6