L'amour se fiche du lieu où l'on se trouve. D'ailleurs, l'amour se fiche de tout. S'il doit exister, il trouvera un interstice pour s'immiscer et s'épanouir. C'est ce que je retiens de "Happy together". D'ailleurs, le titre est, on peut le dire, oxymorique, puisque l'on assiste à l'incapacité de deux jeunes hommes, profondément amoureux l'un de l'autre, à se rencontrer, à vivre leur histoire et à avancer ensemble. Ils pensaient qu'il suffisait de quitter leur Chine natale et de s'expatrier sur l'autre face du globe, en Argentine, pour repartir de zéro. Pas si simple. Tout au long du film, ils se séparent puis se retrouvent, puis se manquent, puis se déchirent. Ils s'aiment au point de se détester mais, perdus au milieu d'un pays qui ne ressemble en rien au leur, ils dépendent inexorablement l'un de l'autre : de leur amour, de leur passé, mais aussi des biens matériels de chacun.
A l'origine, je dois le confesser, je déteste les films d'amour (sauf rares exceptions), car ils sont caricaturaux, dichotomiques, grossiers et totalement fantasmés (coucou "N'oublie Jamais", "Dear John" and co). Alors, avant de me lancer dans "Happy Together", j'étais un peu inquiète... Mais, une fois le film lancé, il ne m'a pas fallu très longtemps pour saisir que le réalisateur allait éviter tous ces clichés.
Cette romance impossible est magnifiquement bien incarnée et bien filmée. Tantôt en noir en blanc, tantôt en couleur, tantôt paisible et contemplative, tantôt houleuse et violente. La passion qui anime et déchire ce couple est semblable au tango où la tension, l'attirance et le rejet ne font qu'un pour créer une chorégraphie des plus intenses. D'ailleurs, le tango argentin a une place toute particulière dans "Happy Together" : langoureuse et sensuelle la danse ponctue et rythme le récit et les soubresauts de cette tumultueuse romance.
Le couple est obsédé par l'idée de "Recommencer à zéro", comme de nombreux amants que l'on peut croiser au quotidien ; mais, peut-on vraiment faire table rase du passé et recommencer ? Les amants s'acharnent tant à y parvenir, que, nous-mêmes spectateurs, ne savons plus parfois, où est-ce qu'ils en sont. Perdus, ils le sont, perdus nous sommes. Ainsi, la forme et le fond sont parfaitement cohérents à l'image de ces plans récurrents des chutes d'Iguazu, métaphore de l'amour, du cycle, de l'infini et du recommencement, comme le vivent nos deux héros.
La mélancolie, la violence et la tristesse sont, évidemment, au coeur du propos et l'on ne peut qu'espérer qu'un jour, enfin, ils s'aiment et réussissent à vivre "happy together" pour vivre leur happy end...


Film proposé par @Matyyy visionné dans le cadre des échanges d'oeuvres organisé par @Villou pour le mois de Juin 2018

Maeva-Wallace
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le 30 juin 2018

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