Le jeu des sept familles, version tarée.

Happy end est un film assez académique dans l'ensemble, qui ne va pas bouleverser votre vision du cinéma et peut sembler un peu long. Mais on retrouve la patte de Haneke pour les histoires cruelles. Ici, ce sont les déséquilibres cachés sous le vernis bourgeois d'une famille à la tête d'une entreprise de travaux publics. Une famille où le beau-fils s'est remarié avec une épouse qui vit sous le même toît de l'ancienne. Où le fils déséquilibré crée des esclandres névropathiques car il vit mal son statut de capitaliste. Où le grand-père souhaite mourir, après avoir tué sa femme atteinte d'une maladie incurable. Et au milieu de ce freak-show, Eve, la petite du second mariage, très consciente à 13 ans que son père est un infidèle chronique, que toute la famille est tarée, elle compris.

Le film prend plaisir à ne pas trop expliquer les situations, alors que sa violence repose en grande partie précisément sur les situations. On peut trouver cela rebattu, mais c'est la force toute classique de Haneke. Un homme en fauteuil roulant sort dans la rue, interpelle des passants. On n'entend pas le son : quelle peut bien être sa demande ? Attendez une bonne demi-heure et une autre scène vous le dira. Etc...


On notera deux tentatives de renouveler ce cinéma bien rodé. Les premières scènes, filmées au téléphone portable, avec une interface à la Instagram et des légendes qui ponctuent ce qui est montré à l'image. Elles informent du profond mal-être d'Eve, de ses pulsions sadiques, de sa haine contenue pour une grande partie de sa famille, de son besoin d'amour. Et quelques scènes de messagerie instantanées où Thomas échange des messages pornographiques avec sa nouvelle amante. Ces scènes sont originales, mais le texte fait trop "écrit", elles auraient gagné à être moins verbeuses. Mais derrière leur manque de réalisme, on appréciera l'effort.


Pour le reste, le film manque un peu son message. Car il ne décrit pas les ravages du capitalisme sur la psyché humaine, mais juste une famille de détraqués. Tant pis.


Happy end est un film psychologique assez classique sur les névroses d'une grande famille capitaliste. Son affiche ne sera comprise dans son ironie qu'à la scène finale. On notera que le terme "end" n'a pas tout à fait le même sens que "ending". Ici, il désigne la mort.


Pas le Haneke le plus percutant, mais ça reste de bonne facture. Vu sur la chaîne Arte cinéma.

zardoz6704
6
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le 17 avr. 2024

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zardoz6704

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