Parfois un peu lourdingue à cause de son symbolisme très appuyé, Hanezu n’en reste pas moins un très beau film à mi-chemin entre le contemplatif et l’histoire de mœurs tendance Hong Sang-soo. C’est à Asuka, dans la campagne proche de la ville de Nara dont Naomi Kawase est originaire que se passe le film. Au centre du scénario, un site de fouilles archéologiques et une histoire tirée de la mythologie japonaise, deux éléments autour desquels la cinéaste axe son récit.


Le temps joue une place importante dans celui-ci, puisque s’entrechoquent (ou plutôt se superposent) plusieurs réalités chronologiquement éloignées les unes des autres. L’emphase est donc faite sur l’idée de permanence et de changement, deux notions en tension, et ce depuis un passé immémorial jusqu’à nos jours. Un binôme auquel vient se rajouter opportunément un autre élément : l’amour.


On ne peut s’empêcher de trouver à Hanezu des similitudes avec le cinéma de Terrence Malick, La ligne rouge en tête, pour ce qui est de la façon très contemplative qu’a Kawase de filmer la nature. Une nature observée à plusieurs niveaux, du plus large (plan sur un paysage) jusqu’au plus petit, voire microscopique (plan sur des insectes). Une approche cependant moins métaphysique qu’empirique, puisqu’elle revient souvent à replacer le spectateur dans une situation d’interprétation du cadre naturel au regard du « drame » conjugal qui se produit en parallèle chez les personnages. C’est là que le film s’avère quelque fois un peu trop prévisible, « évident » du point de vue symbolique.


C’est néanmoins du côté de la mise en scène que ce dernier défaut est partiellement gommé. Kawase reprend sa caméra à l’épaule, élément « signature » de son cinéma depuis Suzaku et adopte une posture résolument proche du documentaire dans la veine de Nobuhiro Suwa ou d’Apichatpong Weerasethakul. Il est difficile de rester hermétique à ce style si pur et aérien. On en vient à oublier la vacuité quelques fois trop prononcée de certaines scènes et l’on se laisse porter par la seule beauté plastique du film. Un délicat équilibre que vient perturber un étonnant twist final dont je n’imaginais pas la cinéaste, d’habitude si « sage », capable.


Le design sonore n’est pas en reste : il achève de nous transporter dans cette histoire à la confluence de plusieurs temporalités avec naturel et spontanéité. On sent que Kawase aime sa terre, son histoire, qu’elle s’en sent l’héritière et la dépositaire ; elle participe à sa mise en image, fixation salutaire d’un état d’esprit bien particulier. Mais sans doute manque-t-il une ultime touche de radicalité, d'élévation « surnaturelle » pour faire d'Hanezu un film réellement marquant dans la carrière de la cinéaste.

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le 13 juin 2021

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