Hand
Hand

Film de Daigo Matsui (2022)

Main réconfortante et sein anti-stress

Sawako, jeune employée de bureau vivant encore chez ses parents, à des passe-temps atypiques : non contente de sortir avec des hommes bien plus âgés, elle s’amuse à les prendre discrètement en photo afin de décorer une sorte de journal photo intime faisant la liste des hommes qu’elle a fréquentés. À côté de cela, elle est incapable de communiquer avec un homme en particulier : son propre père. Tout commence cependant à changer lorsqu’elle commence une relation avec un collègue de son âge, Mori…


Hand est le premier film de ce Roman Porno Reboot de 2022. C’est un film d’un grande douceur mais qui parvient, contrairement à When the Rain Falls, à éviter de donner un côté clicheton et sirupeux aux scènes roses. En fait, quelque chose dans le film m’a fait penser à Hibana : Spark, excellent drama de Ryuichi Hiroki. La colorimétrie, l’ambiance hivernale, le beau ciel bleu traversé de temps en temps de quelques branches d’arbres dépouillées de feuilles, sans doute. Mais aussi le doux questionnement intérieur d’un individu, à la fois adulte et encore tiraillé par le monde cotonneux de l’enfance. Car c’est en gros ce qu’il se passe avec Sawako dont la voix nous dit dès les premières secondes du film : « Mon premier souvenir est la chaleur de la main de mon père. » D’où, sans doute, ce besoin de compenser la terrible absence de communication avec ce dernier en tissant des liaisons avec des hommes plus âgés et en continuant de vivre dans la maison familiale. À cela s’ajoute la présence de sa jeune sœur, en passe de connaître ses premiers émois sexuels (scène dans un love hotel assez drôle, pleine de fraîcheur) avec quelqu’un parfaitement de son âge, et offrant ainsi l’image d’une sexualité passionnée et enthousiaste, ce que ne proposent certes pas les rendez-vous avec ses vieux galants bedonnants qui n’ont qu’une idée en tête : peut-être retrouver un peu de leur jeunesse évaporée au contact de la peau d’une jeune bjin.


Le « hand » du titre peut-être vu bien sûr comme une allusion à la main du père, quand Sawako était une toute petite fille. Mais on peut avoir aussi en tête ces scènes où l’un de ses amants (un employé quinquagénaire de son entreprise) ne peut s’empêcher de palper un de ses seins comme une boule anti-stress. Car c’est sans doute ainsi qu’apparaît Sawako aux yeux de ces hommes : une belle matière agréable à voir, mais pour laquelle le but ultime serait de la toucher, sorte de graal érotique fait pour balayer, le temps d’une nuit, les affres sous-jacentes à l’automne de la vie – à ce titre, le choix de la saison hivernale est un bon choix, saison à la fois vue comme un terme et comme un seuil à une nouvelle vie qui arrive.


L’histoire peut donc être vue comme le récit d’une renaissance. Après avoir naquis autrefois et éprouvé le doux contact de la main peternelle, Sawako va devoir renaître, c’est-à-dire essayer de renouer avec son père et, par la même occasion, délaisser ses vieux barbons compensateurs pour éprouver les caresses de Mori. À ce sujet, si Hand semble reprendre la première règle du roman porno, à savoir faire en sorte qu’il y ait une scène de sexe toutes les dix minutes, il est à noter l’effort de Matsui pour faire en sorte que cela ne soit jamais gratuit et complaisant, mais toujours intégré à la narration et révélateur de la psyché des personnages. Finalement, j’évoquais le drama de Hiroki, mais on est justement entre le film indépendant et le film rose, format qu’Hiroki avait justement adopté lors d’excellents films (je songe à Vibrator, notamment).

Bref, est-ce que Hand est un excellent roman porno ? Tout dépend des attentes que l’on met dans ce terme. Disons juste que si l’on attend un film érotique bien joué (Akari Fukunaga est aussi jolie que convaincante dans le rôle de sawako), un peu épicé, avec un peu de profondeur dans le développement des personnages, alors oui, Hand est plutôt un bon film.


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Créée

le 9 mars 2024

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