La rancune permet de rendre à quiconque la monnaie de sa pièce



  • Vous savez que je prie tous les soirs pour qu'il s'évade.

  • Pourquoi vous faites une chose pareille ?

  • Pour lui faire la peau.




Halloween, une saga mouvementée



Halloween le slasher iconique réalisé en 1978 par le génial John Carpenter est de retour en tant que suite du support original. Une proposition étonnante pilotée par le cinéaste David Gordon Green, qui propose un choix aussi audacieux que radical en supprimant l'ensemble des films de la timeline initiale, à laquelle se greffent un épisode hors contexte, ainsi qu'un remake ayant eu droit à deux opus. Ainsi disparaissent Halloween II (1981) de Rick Rosenthal, Halloween 4 : Le retour de Michael Myers (1988) de Dwight Little, Halloween 5 : La vengeance de Michael Myers (1989) de Dominique Othenin-Girard, Halloween : La malédiction de Michael Myers (1995) de Joe Chappelle, Halloween H20 : 20 ans après (1998) de Steve Miner, et enfin Halloween : Résurrection (2002) de Rick Rosenthal. S'ajoutent les deux remakes Halloween (2007) et Halloween II (2009) réalisés par Rob Zombie, ainsi que Halloween III : la saison des sorcières (1982) de Tommy Lee Wallace, qui n'est relié à aucun épisode de la licence.


Un sacré ménage que je vois d'un bon œil puisqu'il vient supprimer les subterfuges qui ont tronqué l'esprit de la franchise Halloween. Des éléments grotesques faisant de Myers un véritable zombie capable de s'accoupler par psyché (bon sang de bonsoir !). Malheureusement survient quelques dommages collatéraux comme le second volume produit par Carpenter, qui faisait figure de suite correcte avec à l'époque une révélation ultime : « Michael Myers est le frère de Laurie Strode ! » Une pirouette scénaristique proposait par Carpenter qui trouvait l'idée atroce mais qui plaisait au studio, qui lui a demandé de l'inclure dans le récit. Un élément important qui offrait un but et une légitimité au tueur masqué qui initialement tuait sans aucune raison précise, tel un être démoniaque dotée de la moindre volonté que celle du meurtre. Une particularité que ce nouveau Halloween vient gommer avec le grand nettoyage, pour revenir en tant que suite directe de la version de 1978, soit 40 ans après.


Une sacrée pression pour David Gordon Green, qui avec une telle conduite n'a pas droit à l'erreur, même si celui-ci peut compter sur l'appui du maître "Big John".



Place au film



Halloween 2018 s'enregistre dans une conduite scénaristique - artistique similaire à la proposition de Carpenter via un cheminement hommage se positionnant comme une relecture expérimentale. On retrouve une partie de ce qui fait le sel du support d'origine entre son ambiance inconfortable, ses plans méticuleux, et sa trame sonore épique composée par Big John lui-même. Pour l'occasion, il a rajouté un titre musical supplémentaire totalement bienvenu. Une proposition qui ne se limite pas à une consécration sous forme d'adoration importune. En effet, le cinéaste apporte une nouvelle pierre à l'édifice en rompant avec les codes traditionnels du slasher.


Une perturbation qui trouve sa source dans le positionnement visuel supérieur de Michael. Jusqu'à présent à travers tous les films de la saga, il se présentait comme le chasseur et non comme la proie. Un renversement majeur qui découvre un nouveau chasseur en la personne de Laurie Strode. Une élaboration qui va se retrouver jusque dans la mise en scène. Une technicité intelligente avec des plans qui vont jusqu'à renverser le champ de vision du meurtrier. La conduite logique veut qu'il disparaît de l'image pour réapparaître là où on ne s'y attend pas et frapper la pauvre victime. Dans tout film d'horreur slasher qui se respecte, c'est toujours le martyriseur qui disparaît des yeux de son martyr pour mieux le surprendre par-derrière et le tuer. Et, ici, les rôles sont totalement inversés. C'est Laurie qui disparaît du champ de vision de Michael pour mieux le surprendre et fondre sur lui tel un animal enragé sur sa proie. La réalisation est "soignée", nous offrant bon nombre de séquences savamment exploitées par la caméra. Une composition bouleversant le format "classique" du genre en apportant une imagerie suffisamment travaillée pour rendre le tout attractif, inventif et raffiné. Exemple, lors du passage dans l'asile où on atteint le paroxysme technique par le biais d'une tension oppressante. Constat similaire lors du fameux plan-séquence de la marche noire de Michael. Une réalisation bluffante !


Même si la relecture du récit initial se fait beaucoup ressentir, l'intrigue principale reste intéressante à suivre. On retrouve quelques clichés comme les fameux ados idiots en demandent de sexes, qui on le sait, finiront inexorablement sous la lame de Michael. Un clin d'œil important qui sert autant d'hommage que de moteur central à son genre, le slasher. On retrouve quelques touches d'humour par-ci par-là qui fort heureusement tiennent peu de place (ouf on a eu chaud, car ras le bol de cet humour quasi obligatoire dans tous les genres). Le rythme souffre un peu de platitude durant une quinzaine de minutes. Heureusement, Laurie Strode finit par arriver ce qui alimente le rythme et le dynamise. Une chasse à l'homme intense débute avec Michael Myers d'un côté qui fait un véritable carnage, et Laurie de l'autre qui traque son gibier. Une course-poursuite haletante qui va laisser place à des confrontations intensives jusqu'au chapitre ultime. Une confrontation finale au plus fort de l'événement où le boogeyman affrontera trois générations de Strode. Un duel inventif où nous festoyons de chaque seconde jusqu'au plan final où Michael piégé, se trouve à jeter un regard diabolique à Laurie Strode. Un grand moment !



Quand même, ta grand-mère c'est Laurie Strode.



Michael Myers, le croquemitaine, est une véritable estampe chimérique fantomatique du mal. Il est toujours aussi radical, brutal, acharné et cruel nous offrant pour le coup une multitude de meurtres marquants. Équipé de son fameux masque blanc et armée de son couteau de boucher, nous le retrouvons déambulant de sa marche lancinante et de toute sa stature durant la soirée de Halloween. Si dans le tout premier opus Michael prenait son temps en épiant longuement ses victimes tel un voyeur avant de les assassiner, cette fois-ci, il prend moins le temps et va rapidement à l'essentiel. Un choix qui pourrait en agaçait quelques-uns mais qui illustre l'impatiente de Michael à reprendre son rôle de bourreau après ces quarante années d'enfermement. Michael est impatient et encore moins contrôlable ce qui lui ajoute plus de folie et de dangerosité.


Mon coup de cœur va à Laurie Strode, toujours incarnée par la seule et unique "Jamie Lee Curtis", qui revient complètement transmuter après toutes ces années. Finis le temps ou la baby-sitter fuyait en pleurant et en criant pour mieux se cacher du meurtrier. À présent, l'heure est venu de se battre et d'en finir une bonne fois pour toutes. La comédienne revient devant la caméra plus badasse que jamais ! Une véritable Sarah Connor du Terminator 2 ! Son développement dramatique est intelligemment posé avec une première partie du récit qui se focalise sur la psychologie traumatisée de Laurie. Un aspect qui développe avec intelligence les "après" événements de 1978, qui représentent le choc traumatique de notre héroïne. Une lésion autour de laquelle Laurie va bâtir sa vie, au point de devenir une survivaliste paranoïaque experte dans le combat rapproché et dans les armes de destruction. Une guerrière capitonnée dans un bunker piégé à tous les niveaux qui attend avec impatience le retour de Michael pour en finir avec lui.


Karen Strode jouée par la comédienne Judy Greer m'a agréablement surpris. Je la voyais comme une potiche chiante au possible à toujours donner des leçons à sa mère ultra-protectrice. Jusqu'à ce qu'elle se révèle être un personnage bien plus passionnant à suivre. Une femme nuancée ayant partagé l'enfer du trauma de sa mère. Une mère qui l'a oppressée et enfermée dans sa propre folie, au point de la préparer dès son plus jeune âge à affronter Michael. Pour ce qui est du reste du casting, il faut bien l'avouer ce n'est pas terrible. Andi Matichak en tant que "Allyson", la fille de Karen et donc petite-fille de Laurie, m'a moyennement convaincu. Un personnage qui à son niveau se retrouve également touché par le passif de sa grand-mère, seulement en comparaison de ses ainées, elle est platonique. Je n'ai pas aimé la proposition d'Haluk Bilginer en tant que "Dr Ranbir Sartain". Il se présente comme le nouveau Dr Samuel Loomis par Donald Pleasence. Une version bien moins bienveillante. Un savant fou auquel j'ai du mal à donner du crédit alors qu'il est le premier responsable de la libération de Michael Myers. Enfin, Will Patton incarne l'officier Hawkins. Un personnage intéressant mais qui m'amène à douter de son intégration en jouant celui qui a arrêté Myers en 1978. Un événement important qui, bien sûr, sort du cadre.



CONCLUSION :



Avec Halloween 2018, David Gordon Green signe 40 ans après une excellente suite qui fait honneur à la version originale de John Carpenter. À la fois désireux de respecter l'œuvre de base et d'y inclure sa propre vision, celui-ci réussit à joindre les deux bouts pour offrir un environnement propice au retour en grande pompe de Michael Myers et de Laurie Strode par la géniale Jamie Lee Curtis. Un retour réussit qui parvient à s'émanciper du cadre du petit slasher en offrant une réalisation techniquement aboutie et inventive appuyée par une bande-son épique.


Un retour inespéré pour un affrontement au sommet.



Dans ma famille, tout le monde pète un câble pendant cette période de l'année.


Créée

le 27 oct. 2018

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