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Encore un regard partagé entre légèreté et intensité sur le sentiment amoureux. Encore cette délicatesse et cette acuité toutes deux immenses pour décrire des faiblesses émotionnelles. Encore une fois, l'étude de variations infinitésimales autour d'une position d'équilibre, pour légèrement souligner des failles existentielles à peine perceptibles de prime abord. Plus je parcours la filmographie de Hong Sang-Soo, plus je me dis que l'on apprécie (au sens de l'adhésion ainsi que de l'évaluation) son cinéma à l'aune de ces micro-variations : soit on y est sensible, réceptif, et on parvient à les capter, soit certaines prédispositions (ou absences de prédispositions) empêchent toute empathie et diluent le message dans un océan d'inintelligibilité.


L'élément perturbateur dans Haewon et les hommes, le déclencheur des variations autour d'un certain équilibre, c'est l'incertitude du cadre familial de Haewon, bousculée par le départ de sa mère pour le Canada. Pendant 1h30, on ne fait que suivre les conséquences de cet abandon (relatif) et l'épreuve du carpe diem, auquel appelle la mère, face à la réalité. Profiter de l'instant présent, suivre ses désirs : des principes faciles à énoncer mais difficiles à mettre en pratique pour Haewon. Un questionnement aux prémisses d'un dérèglement existentiel, laissant le rêve envahir peu à peu la réalité.


Hong Sang-Soo, ce n'est pas la première fois, offre la peinture d'une intimité par des touches et des couches successives, légères et éparses, de manière parfaitement indirecte, et dans une très grande pudeur des sentiments. C'est à la fois bordélique et minutieux : la confusion entre les aspirations réelles de Haewon et ses réalisations fantasmées est très appuyées (avec plus ou moins de subtilité), tout comme la déconstruction du récit. La perspective se concentre à l'orée de l'échec, au milieu du doute et de l'indécision, sans qu'on puisse véritablement se prononcer sur le succès ou non des pérégrinations sentimentales de la protagoniste. A-t-elle rêvée ce qu'on a vu, ou l'a-t-elle vécu ? On ne sait pas de manière certaine. Une seule chose est sûre : le portrait de Haewon a quelque chose de bouleversant, et Hong Sang-Soo prend le soin d'en désamorcer toute la dimension potentiellement et démesurément empathique. Exactement à l'image de la 7ème symphonie de Beethoven crachée par des haut-parleurs miteux, un schéma musical tout en contraste qui se retrouve d'ailleurs, moyennant quelques différences, dans son dernier film, Le Jour d'après.


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Morrinson
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le 14 juin 2017

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