Je n'ai pas l'impression (ce qui est peut-être infondé de ma part !) que Hadewijch fasse partie des trois-quatre films qui seraient cités par les admirateurs de Dumont si on leur demandait quelles sont les œuvres de celui-ci leur venant immédiatement en tête. Ce qui est dommage, car je trouve que cet opus est enthousiasmant et assez bien maîtrisé.


Bon, par contre, si Bruno, par pitié, pouvait faire finir les consommations dans les bars à ses personnages (ou alors utiliser l'ellipse s'il a la flemme de les faire boire !). Vu combien ça coûte, on n'a pas franchement envie dans la vraie vie d'en laisser les trois-quarts dans le verre. Et les ceintures de sécurité, bordel, personne n'est dispensé de les attacher. Non, mais désolé, à chaque fois que je vois ça, ça me sort momentanément de l'histoire. Oui, je suis un vieux con maniaque qui s'attache à des détails sans importance.


Bon, alors, je reviens à des trucs plus intéressants.


Donc, il y a le portrait juste d'une jeune folle de Dieu qui croit que pratiquer la religion, c'est se priver de nourriture et se geler les ovaires en ne portant pas exprès les vêtements adéquats. Évidemment, c'est nier sa nature humaine, les besoins les plus élémentaires de cette dernière. Ce n'est pas de la dévotion. Comme le dit la mère supérieure qui la vire du couvent pour cette raison, c'est de l'orgueil, de l'égocentrisme. Ce n'est pas du tout un rapport sain avec la foi. Et au lieu de prendre conscience de cela avec le recul que lui permettrait la société civile, Hadewijch transporte sa connerie dans un autre culte, l'islam...


Si je passe sur une radicalisation un peu trop survolée poussant la protagoniste à commettre l'irréparable (ce qui est dommage, car les séquences autour de ce thème sont réussies !), la logique d'évolution ou de non-évolution (le germe toxique était déjà là, il ne restait plus qu'à l'arroser !) présentée par le cinéaste est crédible, d'une grande clarté, d'une grande profondeur.


Et bien aidé par la présence forte de Julie Sokolowski (d'apparence pure et naïve, la comédienne est formidable !), le metteur en scène, loin de faire dans l'atrabilaire et la noirceur comme je m'y étais attendu à la lecture du synopsis, l'ensemble est au contraire lumineux, en partie par le biais de ses cadres naturels verdoyants et de ce ciel ensoleillé (on est loin de l'ambiance sinistre, sans espoir d'une Vie de Jésus par exemple !).


Dans cette optique, après un bond temporel et géographique pour le moins perturbant, il y a ce qui pourrait s'apparenter à une version alternative de l'existence de l'héroïne.


Non seulement, elle n'a pas été virée du couvent. Non seulement, elle semble consentir à être une simple mortelle (ce que montre le fait qu'elle s'abrite dans la serre de l'établissement religieux pendant une averse !). Mais en plus (après un instant de rébellion du fait d'une remontée de sa vanité !), lors du final, qui est une référence inversée et non dénuée d'ironie à la Mouchette de Bernanos et de Bresson, elle consent à aimer son prochain à travers une étreinte charnelle.


Hadewijch serait-il injustement méconnu ou du moins un peu trop mis de côté dans la filmographie du réalisateur ? J'ai envie de répondre par l'affirmative, car j'ai trouvé le tout marquant (m'ayant bien remué !) et bouleversant. Bon, je le confesse, de mon point de vue bien subjectif, je considère que c'est le meilleur film du Monsieur derrière L'Humanité.

Plume231
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le 25 févr. 2022

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