
Voir Gravity après tout le tapage qui a été fait autour du film, c’est comme perdre son pucelage après avoir bouffé du porno pendant des années de manière intensive. Quelle que soit la qualité finale, on est toujours un peu gêné.
Cette entrée en matière manque certes de subtilité, je vous l’accorde volontiers, mais l’acuité de l’image n’en est pas moins exacte.
Gravity a fait les choux gras de la presse et des amateurs de toutes sortes. Qu’en est-il vraiment ?
Gravity est un film avant tout esthétique. Il vous propose probablement les plus belles images que vous ayez vues depuis au moins… longtemps. C’est magnifique. Les plans déchirent la rétine, ils vous scotchent au canapé en même temps qu’ils vous soufflent et vous font fermer votre grande gueule de pseudo intello qui veut raconter qu’il a vibré comme jamais en restant assis sur du Skaï.
Vous êtes dans l’espace, les plans sont splendides. C’est surprenant, sublime, intéressant. Vous êtes happés, vous en redemandez.
La réalisation et les événements viennent enrober ce joyaux d’une étoffe de grande classe. Le déroulement crée un vrai suspense né de l’inédit, de la différence. On est dans l’espace, et ça fout les jetons.
Mais un écrin, aussi extraordinaire soit-il (et ici, il l’est), ne demeure qu’un écrin. Un film ne peut se contenter de n’être qu’un assemblage de trouvailles, même géniales, un mix réussi d’effets visuels époustouflants sur une ambiance sonore originale et réussie, tant dans les musiques (malgré leur trop grande présence), épiques, que les bruitages et l’organisation du son de manière générale.
Un jour, quelqu’un a dit que pour réussir un film, il fallait trois éléments : une bonne histoire, une bonne histoire et une bonne histoire. C’est là que le bât blesse. On n’accroche pas aux enjeux des deux personnages.
Si on se laisse emporter par le frisson, par la sensation d’étranglement, par ces vertiges inconnus que le cadre et les situations provoquent, si on se sent oppressé par ce vide et par ce silence qu’on voudrait, lui, plus présent, on se fout de tout le reste, des raisons, du pourquoi, du comment et de la suite. On voudrait voir les débris faire un tour de plus du cadran, mais Matt et Ryan, leurs histoires perso, ce qui les pousse, tout ça, ça ne sert à rien, c’est moche et c’est mal fait. C’est un peu pédant, tentant de vous tirer une larmichette à la pince monseigneur, mais ça n’a aucune vigueur. C’est aussi ridicule qu’incohérent. Gravity, c’est là qu’il retombe. Les ressorts narratifs qui sont liés aux personnages et à l’histoire tombent à plat, agacent, coupent le rythme, essoufflent le film et le spectateur. Le scénario est plat et le film se bouffe de l’intérieur. Comme un bête blockbuster farci de belles images qui n’a rien à raconter.
Voilà le contrat. Gravity vous propose un voyage. Un voyage dans un endroit que vous ne connaissez pas, dans des circonstances que vous ne vivrez pas, qui vous permettra de voir des choses que vous ne verrez jamais autrement. C’est le deal. Et Gravity et Cuarón remplissent leur part à merveille, parce que Gravity n’est rien d’autre que ça. Un moment fulgurant d’évasion, un truc hyper calibré, hyper travaillé, une baffe de rien. Rien d’autre. Vraiment rien d’autre.