"Bonjour, c'est ici la NASA ? J'aimerais changer ma vie."
Je me souviens de mes cours de physique de première année en école d'ingénieur, où notre cher professeur Mr Kessler nous racontait des expériences sur les forces gravitationnelles, en passant par les photos de la capsule Soyouz et les lois de la physique. Gravity est à ce jour le meilleur exemple et la plus bluffante utilisation de toutes ces démonstrations que nos profs nous entremêlent pour changer notre vision du monde.
Mais ce que l'on ignore, c'est que ces lois traduisent un environnement hostile à l'homme, dans lequel sont plongés nos héros : l'espace ; Gravity est un survival, où le danger provient de ces lois physiques des Forces et du Mouvement. Un environnement reproduit grâce à une technique impressionnante et irréprochable, qui tranche avec tous les blockbusters hollywoodiens habituels.
Le film débute sur un plan séquence de 15min (en temps réel), qui nous place l'histoire et les personnages grâce à une caméra flottante qui tourne autour du vaisseau spatial. Le topo est là : 3 astronautes réparent le télescope quand une pluie de débris tournant sur orbite s'abat sur eux à une vitesse de 34 000km/h. Pour l'anecdote, on appelle ce phénomène le syndrome de Kessler. Bref, il ne reste plus que 2 astronautes, Ryan Stone (Sandra Bullock) et Matt Kowalski (George Clooney), qui se retrouve propulsé dans le vide de l'espace.
A partir de cette scène gigantesque, commence un voyage initiatique passionnant pour Sandra Bullock - qui trouve ici son meilleur rôle -, une femme encore traumatisé par la mort de sa fille, qui cherche à faire son deuil en en se faisant une autre réalité du monde. Le réalisateur Alfonso Cuaron nous plonge ainsi dans l'immensité du vide, vide physique et vide mental, en multipliant les plans larges et gros plans, où il propulse le spectateur dans les dimensions de l'espace, avec une caméra sur orbite qui glisse d'un repère à l'autre, pour nous créer une sensation de vertige et de solitude. Il utilise pour cela l'espace comme instrument, ou plutôt comme décor d'un ballet chorégraphié par les mouvements enfantins d'un être en pleine recherche de soi. Flippant et oppressant, on se croirai dans l'espace pendant 1h30. La caméra elle, flotte parmi les objets et subit les lois de l'apesanteur. Et arrière plan de ce décors, la terre, comme un monde inaccessible montré sous son crépuscule lointain.
En plus des prouesses techniques et des effets spéciaux stupéfiants, Gravity est un coup de pied dans la ruche avare de miel de Hollywood. Là où une (mauvaise) tendance du cinéma consiste à multiplier les plans, avec un découpage haché des scènes et un cadrage ultra serré, Alfonso Cuaron préfère au contraire faire très peu de plans, peu de coupes, ce qui confère à son récit plus de profondeur et plus de fluidité, où il peut donc se concentrer exclusivement sur ses personnages, leurs mouvements, leurs faits et gestes. Le film renoue avec les valeurs anciennes du cinéma, ce qui amène un côté des plus réaliste au film.
Car contrairement aux apparences, avant d'être un divertissement unique, Gravity est un drame humain, le portrait d'une femme qui n'a plus de repères dans sa vie, qui ne sait plus où aller depuis la mort de sa fille, qui est perdue dans le vide de la vie. Le parcours d'obstacle qu'elle réalise dans l'espace est ici une métaphore du chemin difficile de la quête (ou reconquête ) de soi, elle s'accroche à tout ce qu'elle peu pour surmonter toutes les épreuves qui vont se présenter à elle. Ce vide qui est l'espace nous renvoie directement à notre propre mortalité, nous fait prendre conscience de la petite sous merde que nous sommes dans l'univers. Mais c'est lors que tout semble perdu pour elle, que ce combat de Davis contre Goliath semble prendre fin, que Ryan Stone contemple la terre. Et c'est là qu'on comprend, face à la mort, libéré de tout ce qui nous entoure, le moment de grâce où nous prenons conscience de la beauté terrifiante de l'univers et de la puissance de la vie.