Un film déroutant tant il joue sur l'économie à tous points de vue : économie des plans, économie des dialogues, économie de l'histoire. 1h 20 durant, le spectateur est comme livré à lui-même face à ce cinéma lugubre en passe de fermer définitivement à la fin de l'ultime séance, qui n'est autre qu'un vieux classique du film d'épée chinois. La pluie, incessante, qui ruisselle par le toit, s'infiltre par les fenêtres mal fermées et forme des flaques d'eau stagnante, imprègne l'oeuvre d'une humidité étouffante, presqu'oppressante.


Des urinoirs pour hommes jusqu'à la tanière surchauffée du projectionniste, Tsai Ming-liang nous propose une déambulation poétique à travers les allées de béton de ce cinéma qui pourrait dire tant de choses si seulement ses murs pouvaient parler. Le réalisateur livre ici une oeuvre compliquée mais pas absconse, qui joue, comme un tableau impressionniste, sur la divulgation retenue des informations nécessaires à son interprétation. Avec ce cinéma, c'est tout un microcosme, avec ses secrets, qui est sur le point de s'évanouir dans la profondeur de la nuit et de sa pluie diluvienne.


La salle se vide de ses quelques têtes dégarnies, lesquelles échangent laconiquement des mots nostalgiques sur le passé ; les bandes du film se rembobinent derrière un projectionniste absent ; l'ouvreuse au pied bot quitte son guichet en abandonnant un fortune cookie à moitié entamé derrière son comptoir.


Goodbye, Dragon Inn peut sans doute déplaire du fait de son rythme ralenti à l'extrême, mais il est pourtant bien loin d'être dénué d'émotions et de sentiments.

grantofficer

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