Attention!!  Âmes sensibles s’abstenir. Ce petit cocktail entre amis dans un appartement londonien, c’est une vraie bombe. Des invités se déhanchent au son d’un disque rockabilly, qui tourne sur un mange-disque. Ça parle chiffons; le problème primordial que constituent les poils sous les bras, ou les poils aux jambes des femmes. Whisky, ou Brandy, cigarettes à la main. On se croirait dans une comédie en noir et blanc, avec des femmes libérées et hommes modernes, mélangés à refaire le monde, à parler de torchons et serviettes.  On passe sans prévenir a une rencontre entre anciens combattants, ceux de la grande guerre, qui eux aussi parlent chiffons. La guerre, c’était le bon temps…( ?)


     Et on revient dans l’appartement londonien, la soirée continue. Et toujours avec cette musique de fond, assez rigolote. Le rock un peu yé yé, variet, très démodé depuis. C’est farniente, c’est surprise-party, c’est Adolph Hitler qui fait une discours. ( ?) C’est un stade immense, rempli de jeunes qui font le salut nazi( ?) C’est le chancellier allemand qui parade en véhicule devant une foule médusée, en adoration. Des femmes lancent des fleurs, il marche sur un tapis de roses. Finalement, il a l’air sympa cet Adolph. L’amour que lui porte son peuple ne semble pas contraint ou forcé.


  « Et sinon pour quoi tu t’es engagé ? » Question féminine.


« Pour pouvoir tuer des gens » Réponse masculine


« Mais tuer des gens c’est mal »…Incompréhension féminine.  On est de nouveau dans le confort de cet appart, qui va vite ressembler à un oasis, tant le choc de ce docu-fiction sera rude. On va être avalé par l’histoire, mais pas celle  des vainqueurs, celle de ceux qui y sont restés, les pots cassés. La mort, la pourriture. Des monticules de corps amoncelés, des enfants aux ventres gonflés. L’exode, la grande guerre, ou le Vietnam, ou le reste. Et le plus naturellement du monde, on passe de l’horreur à la vie insouciante en temps de paix.


   Musique rock, twist, ou jerk, je ne sais pas, je ne sais plus. Guerre et paix. Fumée de cigarette, drague. La discussion continue durant le cocktail entre amis, qui semble de plus en plus fade et déplacé, vu les horreurs qui se succèdent à l’écran. Jeu de cache-cache entre la mort, la souffrance, et la vie. La jouissance, les petits bonheurs, un moment de détente dans un appartement. Et on passera du coq à l’âne. C’est d’autant plus impressionnant, qu’il n’y a aucun filtre. Tout est nu. Images d’archives immontrables à la télé. L’histoire en marche, sur une béquille de bois. Et la chance qu’on a, c’est qu’elles sont en noir et blanc, et qu’on se s’attarde pas trop, ça protège un peu la tête.


   Le camp de concentration comme on ne l’a jamais vu. Des corps brulés, ou agonisants. L’image est figée dans le marbre gris, et avance vers nous,  un vrai appel à la mémoire collective. On prend tout dans la gueule (passez-moi l’expression), on n’a aucune possibilité de fuite. Sinon arrêter le film, sinon continuer. Et c’est un projet, ce documentaire pas ordinaire.  Ce n’est pas que du voyeurisme à moindre frais. La musique qui accompagne ses images est abstraite. Percussion, rythme ethnique assez curieux, qui crée de l’étrangeté,  et met réellement mal à l’aise ( ?) De la détresse. Des enfants décharnés. Des gens mutilés. C’est quoi ? La guerre de Corée, le Viêtnam ? Toutes ces vignettes, vidéo d’archives qui se succèdent, ça n’a aucun sens…


      Manque de tact dans notre party. Une des invitées demande au jeune ancien combattant, s’il a tué à la guerre. Ce n’est pas le genre de question qu’on pose à un dîner entre amis, ça peut briser l’ambiance. Cette question innocente en apparence, révèle la partition hybride de ce film-non film. Tout monter. Ne rien cacher. Mais dans quel but ? Car ce n’est pas fait au hasard. C’est trop bien monté, le travail d’archivage trop méticuleux; il a dû être énorme. Vanité et fragilité des choses de la vie. Il aura fallut plusieurs boucheries mondiales, avec tout un cortège d’horreurs, pour que ces gens puissent siroter une liqueur, et fumer des cigarettes américaines, dans ce petit salon, petit mais cosy. Film à deux faces, comme un masque de Janus. Le passé réduit au chaos, et le présent réduit à une surprise party BCBG. Pour toucher du doigt la condition humaine, dans ce qu’elle a de plus atroce, on a la tête entre et sort d'un ventre ouvert. Mais le réalisateur a une autre idée derrière la tête. Il nous met en face du mal, d'accord. La beauté sublimée du mal. Ok. Ça ne sert qu’à impressionner, il veut dire un truc. Voici venu le moment de la proposition. On doit faire un choix. Un scientifique apparaît et se prononce contre la prolifération nucléaire. Il n’a pas besoin de faire des démonstrations alambiquées. Un champignon atomique éclaire l’écran, et ne lui donne que raison. Il est impressionnant comme tous les champignons atomiques. Une lumière aveuglante, sublime comme la mort en direct. Et les mannequins, et la maison de poupée qui les contient, elle est soufflée comme une bougie. C’est comme si elle n’a jamais existé, en une fraction de second…e. L’image fait froid dans le dos, comme à chaque fois qu 'on voit le feu nucléaire à l'oeuvre. De discours, on n’a pas besoin, tout est là, sous nos yeux, il suffit de voir, et de constater. Le film prend tout son sens.


  Donc le vrai problème c’est la bombe H (!). Elle est capable de faire passer les World War I, et II et toutes les autres, les campagnes Napoléoniennes, les invasions barbares, la conquête de l’Amérique, les campagnes de César, Alexandre, etc. pour des petites bagarres à coup de lance pierres, et un gaspillage de chair humaine, avec des millions de morts à la clé. Avec cette bombe là, A et H, même combat, il ne restera même plus de trace du tout.


     Cette gifle docu-fiction, secoue encore plus qu’une reconstitution ou un pamphlet. Rogosin est antimilitariste, et iconoclaste. Il s’est servit de l’histoire comme d’un marchepied, le devoir de mémoire, pour lui, c’est une prise de conscience, pour l’avenir. Tous ces corps mutilés, tous des victimes, pas de gagnant. Une seule et même bêtise humaine maladive, qui est toujours à  l’œuvre. Il a dû partir des USA, et s’exiler en Europe. C’est pour cela que son film est made in UK. Aux states, un anti-guerre, c’est un traite, ou un communiste. Point, trait.


     Alors l’Enfer probablement ? Pire, le Purgatoire. Et cette maison de poupée, soufflée par le champignon  atomique, c’est notre petit appartement londonien, ça aurait pût l’être en tout cas, symboliquement. Aucune morale à en tirer. Seulement prendre son parti, pour ou contre. Après avoir vu ça, on ne réfléchit pas deux fois. Et ces anciens combattants du début du film, qui parlent du bon vieux temps, j’y repense, et ça me fait froid dans le dos.


  Voilà la poétique de la sauvagerie portée à son paroxysme. Alors ce monde de brutes vaut bien un docu cadavre exquis. Et l’idée de modernité même peut s’écrouler avec ce film, à voir. Le titre c’est une blague, évidemment.  

Angie_Eklespri
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le 4 mai 2016

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