Ah non, il n'y a aucun rapport entre le titre et ce que je vais dire - peut-être la virulence de mes propos ?


Quand on a le bonheur d'être sur SensCritique, on préfère parfois découvrir la note après avoir vu un film, pour ne pas être influencé. Par exemple, pour Le village, je me connecte, je suis tout content d'avoir vu un de mes films préférés au monde, et v'là-t'y pas qu'il a moins de 6 sur le site. Je ne comprends pas, je me dis mais Evy, tu es fou, tu n'as de cinéphile que les affiches de Basic Instinct dans ta chambre, ça ne va plus du tout ma chérie. C'est un fashion faux pas. Je ne me remets pas en question, il ne faut pas déconner non plus, mais ça agace. Je fais exactement la même chose pour Good Kill, m'attendant à voir des notes cataclysmiques sur ce film à l'absence de scénario (mais t'es où, pas là) et quelle ne fut pas ma surprise quand j'ai découvert la note moyenne ! Alors comme ça, c'est bien mieux que American Sniper ? Vous êtes tout de même au courant que le mot "réalisation", ça existe non ? (Le jugement de valeur, je vous prends à parti et me permets un petit doute quant à votre capacité à déceler un bon film d'un mauvais, je déteste les gens qui font ça) Non parce qu'au niveau de ce que raconte l'histoire, c'est tout à fait similaire : American Sniper est patriotique, Good Kill pas du tout. Et derrière cet avis tranché, il n'y a rien. Il y a la désintégration morale d'un homme qui contrôle la vie et la mort des gens mais qui n'arrive pas à gérer la sienne. Dans les deux cas, ce sont des films psychologiques basés sur une errance morale et une perte progressive d'humanité. L'un est un héros, l'autre est un antihéros.


La force de Good Kill réside dans le fait d'étaler sa confiote sur un pan méconnu de la guerre, celui des drones. Pas les drones qui survolent l'Elysée alors que c'est encore Greenpeace qui casse les miches hein. Multipliant les attaques, toujours plus fortes et immorales, les scènes s'enchaînent et voient le personnage sombrer. Sa vie de couple s'étiole, il boit, il est sous le joug d'une autorité qu'il n'arrive même plus à défier, son avenir prend la poudre d'escampette et son boulot le passionne de moins en moins. En plus, il ne peut même pas s'envoyer en l'air avec son équipière de drones parce qu'il est déjà en couple. Chienne de vie. C'est l'archétype même du film psychologique sur la guerre. Y'a-t-il des meurtres qui valent plus que d'autres, et par essence des vies plus importantes que d'autres ? La question soulevée est intéressante mais le classicisme du tout plombe complètement la fausse ambiguïté du personnage principal. Il n'y aurait aucune différence entre la patte de Andrew Niccol et celles de canard. Tout est convenu, tout est attendu, outre le fait que le récit ne soit absolument pas original dans sa construction narrative, il est terne, mal écrit et profondément éculé : il n'a qu'un intérêt, celui de mettre des images sur une pensée qui se répand de plus en plus au fil des ans, celle qui soutiendrait que l'Amérique est au moins aussi amorale que les ennemis qu'elle combat. Ce n'est pas totalement faux, mais c'est beaucoup plus représentatif lorsqu'on a le temps de construire une intrigue comme dans Homeland. Ici, ni le fond, ni la forme ne persuadent le spectateur, je l'avoue, un peu partial que je suis. American Sniper avait le mérite d'avoir une mise en scène brillante et immersive - pour ma pomme. Good kill est faussement subversif. Je rappelle tout de même que American Sniper était encore moins intéressant sur le fond. Justice rendue.


Ethan Hawke est très sympathique en pilote baraqué qui s'enfonce dans les sables mouvants de sa bonne petite conscience préfabriquée. Tuer des civils, ce n'est évidemment pas une partie de plaisir, donc on a aussi le droit d'avoir une expression faciale par moment. Allez, sans rancune, car il réalise plutôt un bon job, intériorisant beaucoup, il jongle entre le type superficiel et le type épris de remords. C'est une belle performance, et il efface d'ailleurs tous les autres personnages tant son aura écrase le faible intérêt de ses coéquipiers - tous des clichés ambulants de surcroît, de la nana choquée au petit con prétentieux avide de meurtres. J'ai bien compris qu'ils étaient des clichés parce qu'ils étaient tous conditionnés pour en être, notamment ceux qui ne se gênent pas pour tuer des enfants, mais je n'avais pas besoin du film pour le comprendre. Ethan Hawke est bon. On pourrait même dire qu'il pourrait avoir l'Oscar pour ce rôle pendant dix ans face à la prestation somme toute catastrophique de la sublimissime January Jones, qui confond, comme toujours, distance et antipathie. Elle est comme ça, diront certains, mais je pense qu'on est en droit d'attendre un peu mieux d'une femme qui est l'une des beautés froides les plus désirables de toute l'histoire de l'humanité. A un moment donné, ça ne suffit pas de jouer à la blonde acculée par ses petits soucis intérieurs et terriblement désagréable. Pourvue d'un magnifique maquillage, elle s'en sort pour cette fois - et ce sera la dernière.


Pas vraiment d'attente autour de ce film, donc pas vraiment de mécontentement de ma part. C'est dommage, c'était un son de cloche différent mais trop engoncé dans un récit qui, s'il n'a pas été vu tant de fois que ça au cinéma, est déjà dans toutes les têtes, et n'apporte rien, ni pour le cinéma, ni pour l'éveil des consciences. Un film au rendu paradoxal puisqu'il traite d'un sujet qui se voudrait sulfureux mais avec toutes les précautions et pincettes du monde. Quel intérêt ? Quelle est la finalité d'une telle entreprise ? Qu'est-ce qui différencie ce film d'autres films patriotiques si il en copie exactement les mêmes codes ?


Que reste-t-il de Good Kill ?

EvyNadler

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