Un film qui tente d'atteindre les sommets où Julianne Moore se trouve

Avoir le physique de Julianne Moore et être encore célibataire à la cinquantaine passée est une probabilité qui a de quoi mettre un sérieux coup au moral de toutes les âmes esseulées de la planète mais c'est pourtant bel et bien le cas de Gloria Bell, héroïne de ce remake américain de "Gloria" toujours réalisé par Sebastían Lelio (n'ayant pas vu ce dernier, je m'abstiendrai donc de toute comparaison dans cet avis).
Divorcée depuis de nombreuses années et mère de deux enfants n'ayant ostensiblement plus besoin de sa présence dans leurs vies respectives, Gloria est une femme de plus en plus victime de sa solitude qu'elle tente désespérément de combler par des rencontres éclairs lors de ses sorties dans des discothèques pour personnes d'âge mûr. Un soir, son regard croise par hasard celui d'Arnold (le toujours excellent John Turturro), un homme divorcé depuis un an mais qui peine à couper les ponts avec son ancienne vie de famille. Quelques étincelles amoureuses plus tard, tous deux entament une relation qui va peu à peu pousser Gloria dans ses derniers retranchements...


Impossible de commencer à parler de "Gloria Bell" sans évoquer son plus bel atout : Julianne Moore pour qui on ne sait plus utiliser quel qualitatif élogieux tant la prestation de l'actrice, omniprésente à l'écran, irradie le film en permanence. On le sait, son talent n'est bien évidemment plus à prouver depuis longtemps mais "Gloria Bell" est sans doute une de ces œuvres dans sa riche filmographie mettant le plus en avant cette sorte de magnétisme émotionnelle qui émane d'elle et qui est à même de briser la carapace du spectateur le plus endurci. Que Julianne Moore/Gloria Bell rit, pleure ou exalte tout le spectre de nuances émotionnelles entre ces deux extrémités, elle vous contamine instantanément et vous vous surprenez à voir vos propres sentiments échapper à votre contrôle pour épouser ceux transmis par l'actrice (peu de ses consoeurs peuvent se targuer d'un tel pouvoir d'attraction émotionnel, preuve si besoin en était que l'on a affaire à une très grande en son domaine). Ce morceau de vie essentiel traversé par Gloria Bell et conté par le film permet donc à Julianne Moore de briller à chaque instant, à tel point qu'il en devient impossible de ne pas être touché par le parcours du personnage magnifié par la puissance du jeu de son interprète.
Seulement et cela va être le coeur du problème, la présence de Julianne Moore est d'une telle force que l'on vient à se demander si le film, lui, est vraiment à sa hauteur...


"Gloria Bell" est un joli long-métrage, dur de le contester, mais il paraît toujours courir après la performance de son immense actrice pour être à son niveau.
La question ne se pose pas quand il se fixe sur la relation entre Gloria et Arnold, c'est là que le film fait le plus preuve de finesse, comme si les interactions entre ces deux personnages suffisaient à elles seules à le porter à un palier d'excellence (en ce sens, leur dernière confrontation dans les ultimes instants est sera bien sûr le point culminant auquel il sera impossible de ne pas succomber). De même lorsqu'il suffit seulement de scruter le visage de Julianne Moore pour comprendre cette héroïne, comme on l'a dit, la comédienne transcende tout sur son passage.
Là où la donne est beaucoup plus compliquée, c'est quand "Gloria Bell" cherche à nous transmettre les non-dits émotionnels de ses personnages par l'intermédiaire d'éléments externes. En la matière, le film se transforme alors en une espèce de catalogue d'artifices faciles pour les nuls : entre un voisin bruyamment dépressif, un chat sphynx envahissant, un problème médical, des signes rappelant sans cesse la fin de vie ou une playlist record de chansons tristes, Sebastían Lelio se montre aussi subtil qu'un phacochère invité à un dîner mondain pour traduire les sentiments cachés de son héroïne. On en vient même parfois à rester vraiment interloqué tant ce déluge d'astuces grossières prend des proportions ahurissantes, un peu comme si aucune comédie dramatique indé de ce genre n'avait existé depuis au moins vingt ans. C'est bien simple, à peu près tout ce que Gloria croise, voit ou entend est balancé à la tête du spectateur comme un potentiel indice/symbole/subterfuge se voulant malin sur son état actuel... sauf qu'à chaque fois, ben, tout ça n'a absolument rien de malin ! Avec la légèreté d'une cerise bigarreau sur un gâteau bavarois, l'utilisation obligatoire d'une certaine chanson en bout de course viendra résumer cette impression d'usage perpétuel de grosses ficelles (attention, la dernière scène est magnifique dans ce qu'elle veut nous transmettre mais c'est encore une fois plus le fruit de Julianne Moore que de Sebastían Lelio -on imagine sans mal le bougre tout fier d'avoir trouvé l'idée de passer ce morceau...).


En définitive, on sort de "Gloria Bell" pétri de contradictions : oui, le film nous a indéniablement touché et ce bien plus d'une fois, cela veut dire qu'on l'a forcément apprécié quelque part mais l'a-t-on adoré pour autant ? La réponse ne peut rester qu'en suspens vu ce yo-yo agaçant dans son traitement capable du meilleur comme du pire dans la justesse du regard porté par son auteur. Une chose est sûre, Dame Moore y est tellement grandiose qu'elle vaut à elle seule le déplacement. Une révérence pour elle.

RedArrow
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le 2 mai 2019

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