Qu'elle est agréable cette sensation !

On lance au hasard un film inconnu et on ressort de cette expérience subjugué, avec le devoir de faire connaître ce film au plus grand nombre.

Give me pity! est présenté comme une emission de télé, un programme spécial, le premier de son personnage principal, Sissy St. Clair, qui est une célébrité montante. S'enchainent alors durant cette heure vingt de multiples saynètes, les différents sketchs du show, qui vont tour à tour être comiques, musicaux, dramatiques et où l'artiste s'adresse directement à son audience.

La présentatrice, brillamment interprétée par Sophie von Hasselberg, se retrouve confrontée à sa célébrité naissante. Elle est très claire à ce sujet, l'emission est faite pour les fans et grâce aux fans et elle compte bien répondre à toutes leurs solicitations.

Un public live est présent sur le plateau, l'arrosant artificiellement d'admiration et d'amour par des rires et des applaudissements parfaitement orchestrés. Elle décide de lire en direct quelque unes des lettres de téléspectateurs qu'elle reçoit quotidiennement. Si vous avez déjà parcouru une section commentaire n'importe où sur internet, vous savez que ce n'est pas toujours ni positif ni constructif. Cette confrontation à une frange moins dithyrambique de son public va faire apparaitre dans un coin du plateau un mystérieux personnage masqué qui provoque chez Sissy un profond trouble.

L'émission qui va finalement devenir une lente et introspective descente aux enfers pour sa présentatrice qui s'enfonce dans un délire psychotique et se confronte à ses complexes et ses névroses. Physique, origine sociale, soif de célébrité, tout y passe, c'est une psychanalyse cathodique.

La photographie accompagne très bien les changements de ton du film. Elle commence de manière pétaradante avec des scintillement et autres lens flairs qui remplissent l'image et un déluge de couleurs chaudes et douces. Le filtre appliqué à l'image et vraiment convaincant et on oublie que l'on est devant une production actuelle pour remonter aux heures les plus kitches de la télévision. Une attention toute particulière a été apportée aux costumes, coiffures et maquillages, délicieusement vintages, et à ce décor minimaliste de production télé fauchée.

Passé ce premier temps idyllique, le strass et les paillettes vont se faire de plus en plus rare. Les couleurs douces sont remplacées par des couleurs plus agressives quand elles ne disparaissent pas complètement pour laisser la place à l'obscurité. Les costumes sont plus vulgaires, plus débraillés, et le maquillage n'est plus là pour embellir le visage mais pour l'enlaidir, pour faire ressortir ses défauts. Le halo flou qui baignait l'image se dissipe, elle devient plus nette. Le rêve est terminé, retour à une réalité, celle moins glamour de la vraie vie, ou celle hideuse de sa psyché.

J'ai eu l'impression en regardant ce film, de me retrouver devant un "lost media", comme il en existe des tas d'exemples sur internet. Une émission télé qui serait partie en cacahouète grave, diffusée qu'une seule fois dans les années 70 sur une chaîne obscure, et dont un enregistrement vient de refaire surface après avoir disparu pendant des décennies, caché dans le coffre fort d'un studio qui avait voulu étouffer l'affaire.

Possible source d'inspiration pour le film, la mère de Sophie von Hasselberg, Bette Midler (la sorcière Winnie de Hoccus Poccus) a été une grande actrice de musical dans les années 70 et s'est produite à la télévision dans des programmes ressemblant étrangement à celui montré dans le film (show musical entrecoupé de monologues en direction du public, seule en scène à l'exception des danseurs qui l'accompagnent)

Je sais que ce film ne plaira pas à tout le monde. D'autres personnes pourront le détester autant que je l'aime et je les comprendrais parfaitement. Mais regardez le, faites vous votre avis, rien que pour profiter de l'expérience unique qu'il propose.

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AmauryMenard
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le 16 avr. 2023

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Amaury Menard

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