Atteindre l'inaccessible étoile

Magnifique, très intense premier film mettant en scène (et essentiellement centré sur) Lara, une jolie ado de 15-16 ans, blonde aux yeux bleus, longue, fine et de look angélique. Elle est élève dans un cours de danse et veut devenir danseuse étoile. Ce n'est pas un spoil que de dire que Lara est interprétée par un garçon du même âge (Victor Polster, stupéfiant), parce que Lara est une fille... née dans un corps de garçon. Tout le monde quasiment le sait à l'avance, mais on a beau le savoir, on est quand même sidéré quand on la voit plein écran, c'est un vrai choc visuel, tant cette "girl" (ce trans en devenir) est saisissante de grâce et de beauté angélique.
Bon, 15-16 ans pour Victor Polster, le danseur-acteur interprétant Lara. Et juste 26 pour le réalisateur (et co-scénariste) Lukas Dhont qui sans doute porte son film en lui depuis au minimum deux, trois ans (ce qui veut dire qu'à l'époque, il n'était même pas majeur, psychologiquement, puisqu'il est admis qu'on ne l'est qu'à 25).
Je souligne leur âge parce que forcément, de ce fait, l'acteur et le réalisateur n'ont que très peu d'expérience de la vie. Ils vivent dans leur bulle (bien loin de tout problème géo-politique ou oukase religieux), quoique faisant preuve, chacun dans son domaine, d'une étonnante maîtrise technique.
C'est sans doute ce qui touche et saisit dans le film, non seulement la beauté, mais aussi la fraîcheur, la pureté, la grâce de Lara, alliées à un courage et une détermination farouches et inébranlables... qui sont sans doute le propre des ados que la vie n'a pas encore corrompus.


On comprend vite que Lara va au devant de très grandes difficultés, puisqu'elle a un double objectif : devenir à la fois une vraie fille et une danseuse étoile. Et on sait que le changement de sexe est, aujourd'hui encore, une opération chirurgicale très délicate. L'histoire se passe en Belgique (c'est un film belge, Lukas Dhont est Gantois). Sujet délicat, sensible, traité avec délicatesse, sensibilité et, pardon d'insister, une surprenante maîtrise, tant dans la réalisation que l'interprétation. Presque tout, dans le film, passe, non par le discours, mais par l'image et la musique. Dhont nous évite tout charabia psychiatrique ou psychanalytique. On est au plus près de Lara pendant tout le métrage, on est très cadré sur elle (son visage, son corps, ses expressions). On partage ses émotions, ses souffrances physiques et morales, ses rares joies et plaisirs, ses moments dramatiques. On les vit, via Victor Polster, le miracle du film. Il a un physique d'ange, il danse très bien, il joue juste, miraculeusement juste, il est Lara et, en même temps, aussi inoubliable dans Girl que Bjorn Andresen l'était dans Mort à Venise. On lui souhaite de faire une vraie carrière dans la danse et/ou le cinéma.
Quant à Lukas Dhont, j'aimerais bien qu'il nous raconte dans un Girl 2 ce qu'est devenue Lara ensuite. En sortant de la salle, c'était la question que je me posais : "Et elle devient quoi ensuite ?" Car, bien sûr, viendra un moment où papa ne sera plus là pour veiller sur elle.


Girl s'est vu décerner la Caméra d'or (ou prix du meilleur premier film) à Cannes cette année. Allez le voir, il vaut le coup.

Créée

le 10 oct. 2018

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Fleming

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