Cinquième film de Takeshi Kitano, il se démarque assez de ses précédentes longs-métrages.
Il sort en 1994 juste avant son grave accident de scooter; qui le marqua à vie, lui paralysant la moitié du visage.
Kitano retrouve l'humour pince-sans-rire (déjà présent dans ses films, mais ici omniprésent) de Beat Takeshi, mais qui est ici poussé à l'acmé de l'absurde. Absurdité qui reviendra dans le bon, mais mineur dans sa filmographie, "Glory to the filmmaker !".
L'histoire est simple; Asao se réveille d'un rêve qui créa en lui un déclic. Pour réussir à faire l'amour à une fille il faut une belle voiture, une belle voiture ! Il va donc, d'abord, partir en quête d'un nouveau véhicule.
Enchaînant les péripéties, toutes plus saugrenues les unes que les autres, l'enjeu du film va progressivement changer.
Les gags s'enchainent et ne s'arrêtent jamais. Kitano, avec sa maestria visuelle, maîtrise les codes et se les approprie complètement.
Mise en scène complètement Kitanienne au service donc de l'absurde. Le choix d'une comédie n'est ici pas anodin. En effet, il fait passer une certaine vision, un certain regard critique sur la société en accentuant les défauts, et l'absurdité qui peut en résulter, de la société par les gags.
Loin d'accumuler, comme certains peuvent le penser, des gags idiots et ridiculement absurdes; Kitano fait passer de manière subtile et ironique les problèmes qu'il peut y avoir au sein de sa société.
Les gags s'enchaînent donc, sans cesse, trouvant toujours une idée de mise en scène différente pour faire rire, et cela toujours avec un sous texte relativement acide et caustique.
Formellement, Kitano est conscient et sait user, comme à son habitude, de ses effets de mise en scène et de sa photo sublime; notamment pour la scène d'ouverture, où captant sublimement la nuit, il use d'une lumière particulièrement travaillée alliée aux éclairages urbains pour nous indiquer subtilement que nous assistons à un rêve.
Les effets de montage et le jeu et expressions des acteurs sont présents et fidèles à sa patte artistique, qui ici se voit encore plus marquée du fait du concept même du long-métrage.
Certes, il émet une critique sur sa société, mais il déconstruit et se moque, sans malveillance cela dit, du cinéma nippon, comme du cinéma américain populaire.
Il n'hésite pas à ironiser sur le maître du cinéma japonais, Akira Kurosawa, donc il admire le travail, montrant un réalisateur travaillant sur un chambara, ressemblant d'ailleurs énormément à Zatoichi. Ironie ici doublée, puisque Kitano mettra en scène 9 ans après le sabreur aveugle.
Il se moque également des films "Ghostbusters" à travers un dispositif détectant les hommes invisibles, semblable dans le design aux dispositifs des chasseurs de fantômes.
La fin du film met également en dérision "La Mouche" de Cronenberg. En effet, le protagoniste est transformé en mouche humanoïde attirée par le fumier. Par incrustations, volontairement laides et ratées, Kitano rend ses gags encore plus désopilants et déconcertants, selon notre rapport à l'absurde.
Finalement, le protagoniste meurt dans une gigantesque cuve de fumier (récolté aux quatre coins du Japon), écrasé par une tapette géante.
Et quelle conclusion pour un tel film et un tel personnage, qui auront poussé l'absurde et la raillerie à leur paroxysme, sans bien sûr négliger le fond sociétal ambiant, traité avec causticité, qui procure à cette œuvre une richesse insoupçonnée, et faisant donc de ce film, un métrage totalement singulier et profondément, et immédiatement, rattaché à son auteur.