Difficile en ce moment de passer à côté de Us, le dernier échantillon cinématographique de Jordan Peele, qu'on se le dise. Le garçon balade son film de partout, que ce soit sur les réseaux sociaux, les médias, ou les affiches publicitaires, on ne peut rater l'événement.


Et comme souvent, je n'avais pas pris le temps de regarder Get Out, film qui avait lui aussi bien remué la sphère cinéma à sa sortie. Pour combler mes lacunes, il me fallait donc le voir, et je dois avouer être réjouie face à cette œuvre. La forme et le fond ne font qu'un, pour mon plus grand bonheur. Je sais qu'il va me falloir revenir une seconde voire une troisième fois dessus, pour prendre le temps de mieux décrypter la chose, d'en comprendre un peu mieux les ressorts de la mise en scène. Cet avis est donc à chaud, puisque je sors tout juste de ma séance.


On connaît tous les problématiques raciales que vie actuellement l’Amérique de Donald Trump, ce grand clown peroxydé. Mais Mr le Président n'est que la vitrine de la haine qui ronge les États Unis, la société dans son ensemble est gangrenée par ce mal. Qu'on bâtisse des murs ou pas.


Get Out nous raconte l'histoire d'un jeune afro-américain qui part rejoindre la famille de sa petite amie, une jeune blanche bien éduquée et apparemment plutôt friquée. Forcément en tant que personne racisée, et surtout noire, disons-le, il se chie un peu dessus à l'idée de faire la rencontre de toute la smala. Le bougre n'avait pas tort, peu à peu tout va se compliquer, et vite virer au cauchemar. Jordan Peele peut alors venir installer son récit, placer ses éléments de tension, nous rendre tout ça le plus anxiogène possible, tout en restant dans un certain contrôle entre l'horreur et des moments de comiques plutôt bienvenus pour faire retomber un peu l'ambiance.


L'idée de faire passer quelques messages avec le genre horrifique n'est pas nouveau, l'histoire du cinéma regorge de pas mal de films dans le genre. Politique et zombies font apparemment bon ménage, à ce qu'il se dit. Mais bizarrement, quand il s'agit de parler de racisme, on préfère faire dans le drame, faire pleurer le spectateur, et venir ensuite vous tendre le mouchoir en vous murmurant à l'oreille que le racisme c'est pas cool, et que du coup il faut faire en sorte que Green Book remporte les Oscars en 2019 pour rappeler au bons petits blancs qu'il faut arrêter de déconner.
Donc déjà c'est cool, parce que ça change un peu, ou en tout cas je n'ai pas vu de films qui viennent traiter du sujet de cette façon là. Corrigez moi si je me trompe.


Le réalisateur préfère venir porter un uppercut à son spectateur histoire de mieux lui faire comprendre ce qu'il a à dire. Et c'est plutôt une réussite. La mise en scène est plutôt minimaliste, elle ne s'excite jamais trop, on reste dans une sorte de contrôle permanent du cadre, de l'image, tout en venant profiter des éléments du décors, de la bande sonore pour pouvoir au mieux faire ressentir le poids, et la tension que vit Chris. Les pièces sont surchargés de meubles, de cadres, de peintures classiques, les regards se font exagérés, vicieux, y a toujours quelque chose pour faire tiquer le spectateur et lui rappeler que quelque chose de mauvais est présent.
Je m'attendais au début à un déroulé typique d'un slasher où tout part en vrille très vite, ce n'est pas le cas, le film prend un malin plaisir à installer ses moments, faire durer la bizarrerie de la chose, et ce n'est finalement que sur le dernier segment du long métrage que tout peut enfin exploser, inéluctablement.


D'ailleurs, il est plutôt marrant de voir que les premiers à succomber sont des mâles blancs, une des femmes blanches, et ensuite on en finit avec les personnages de couleur. Tout l'inverse des clichés du genre. C'est certes anecdotique, mais bienvenu.
Certaines morts sont bien imagées, le père qui se fait embrocher par un chevreuil, c'est le grand guignol, mais rappelons nous que l'animal a été décrit comme un rat qu'il faut pouvoir éliminer. Je vous laisse faire le parallèle.


Pour ce qui est de la forme donc, je le dis, et le redis, c'est quasiment un sans faute, la maîtrise est totale, et il est sincèrement difficile de ne pas se faire happer par le récit.


C'est l'analyse qui est possible d'en tirer qui moi m'a particulièrement réjouie, car Get Out n'est pas vide de fond.
Jordan Peele se marre en installant son histoire nanardesque, nous offrant une vitrine vraiment bête de l'horreur, on retrouve des choses très grossières dans ses personnages, ses situations. Mais c'est ce que vit l'Amérique, qui pouvait penser qu'un jour un idiot de milliardaire de la télé réalité pourrait devenir président à la Maison Blanche et faire flipper le reste de la planète ? Trump lui même n'y croyait pas, et pourtant il est là, à l'aise dans ses rangers pour venir instiller la haine dont il a besoin pour ses idéaux populistes, xénophobes, homophobes et profondément rétrogrades. C'est plus gros que la réalité. Donald Trump, c'est cette famille bourgeoise, grossières qui complimente le mérite de certains afro-américains et en même temps en a une peur folle. Mais le film n'est pas seulement dirigé par les excès des zèles du Président américain, Peele vient aussi parler à la nation étoilée dans son ensemble. Et surtout à la partie blanche, et bourgeoise, ces WASP dont tout le monde parle. Le racisme est intériorisé, un racisme qui ne se sait pas. Comme tous les membres de la famille qui se sentent obligés à un moment de dire à Chris à quel point Obama était un chouette président, que les athlètes noirs sont extraordinaires, et qu'on connaît tous quelqu'un de noir qui est sympa. C'est important de le rappeler dès que possible, surtout si l'on cause à une personne racisée, on vient en ami.


On pourrait encore s'étendre sur pas mal de thématiques évoquées dans le film, mais au final, il en convient juste de se dire que Jordan Peele réussit là où nombreux sont ceux qui trébuchent. Et j'en suis joie, car en plus d'un film calibré doté d'une redoutable mise en scène, le propos n'est pas oublié, il est profondément lié à la forme, et ça c'est beau.


Bien ouéj !

Sasha_R
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le 26 mars 2019

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Sasha R

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