La Belle, c'est Nil, elle ouvre le film par une course échevelée sous un soleil aussi éclatant que la blancheur de sa robe de (très) jeune mariée. Mais ce n'est pas son mari qu'elle entend ainsi rejoindre avec tant d'empressement, car précisément elle vient de le fuir, mais bien son amant, Lucky le bien nommé, une belle gueule aux yeux doux et au sourire de gosse. Elle est issue de la communauté turque et lui du milieu gitan. Autant dire que cette affaire-là est mal engagée tant les questions d'honneur s'y retrouvent exacerbées.
Le cadre ainsi posé, nous voici en terrain connu, celui des amants maudits de la dramaturgie antique (Andromaque), de la littérature (Roméo et Juliette) ou encore du cinéma (West Side Story). C'est sur cette trame, aussi simple qu'universelle, que Tony Gatlif, lui même de culture kabyle par son père et gitane par sa mère, nous propose Géronimo, un film plein de vie et de poésie.
La vitalité est - à mes yeux - la première qualité du film. Elle donne le rythme, elle est communicative et elle permet de passer d'un personnage à l'autre (et ils sont nombreux) avec une grande légèreté. Les deux premiers tiers du film sont une véritable leçon de cinéma vivant. Tout est mouvement, énergie : celle des corps, de la musique, de la danse, celle du vent omiprésent et bien sûr celle du montage. Ce n'est que dans la dernière partie, lorsque le scénario se resserre et tend à davantage de gravité, que cette légèreté se perd. On la regrette aussitôt. On le sent, le réalisateur est moins à l'aise dans cet exercice. Et son histoire bégaie quelque peu, comme s'il n'avait pu se résoudre à accabler ses personnages du funeste destin que la logique dramaturgique leur aurait normalement attribué. Comme si la légèreté devait l'emporter sur la gravité, la poésie sur les principes de réalité.
Car l'autre point fort de ce film, c'est sa poésie. Celle de la musique d'abord qui structure la plupart des films de Tony Gatlif et qui à nouveau donne son rythme à la mise en scène tout en servant de mode de communication entre les personnages : magnifiques scènes de battle entre les deux clans à la manière de W.S.Story ou moments plus intimistes. Poésie visuelle enfin avec ces décors magnifiquement filmés. Ceux de la ville, des friches industrielles et des labyrinthes peinturlurés, ceux extérieurs des plages et des lagunes où lumière et vent semblent se disputer sans cesse à l'image des deux clans ennemis.
Un film qui n'est pas sans défaut comme c'est parfois le cas chez Tony Gatlif mais un film vivifiant et généreux.


Interprétation : 8/10 (avec un coup de cœur pour Céline Sallette dans le rôle pas évident d'une éduc servant de trait d'union entre les deux communautés)
Scénario/histoire : 7/10
Mise en scène : 8/10


8/10

Theloma
8
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le 5 sept. 2016

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Theloma

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