Autant vous dire que la sortie de German Angst était un événement dans la sphère intime du splatter underground allemand que l’on croyait définitivement éteint. Plus de 20 ans que Jörg Buttgereit l’initiateur de ce mouvement contre-culturel persécuté par le comité de censure n’avait plus donné signe de vie, plus ou moins en tout cas, puisqu’en réalité, il ne s’est pas vraiment tourné les pouces pendant ce temps-là, réalisant une poignée de clips et de documentaires quant il ne donnait pas un coup de main sur les effets spéciaux d’autres confrères cinéastes (La Petite Mort, Killer Condom, Die Reise ins Glück). Un nom très prestigieux pour un film à sketch qui réunit également Andreas Marschall (Masks, Tears of Kali) et Michal Kosakowski totalement inconnu au bataillon même si on lui doit Zero Killed, un film sur la fascination que l’on peut éprouver à tuer des gens. Evidemment une telle réunion d’artiste ne pouvait qu'accoucher d'une oeuvre transgressive, amorale, et violente où la narration ne servirai que de prétexte à des saillies gore et une brutalité absolument déraisonnable pour le commun du public. Et avec un titre qui cristallise parfaitement toutes les angoisses, colères et frustrations d’un pays qui doit encore assumer son héritage passé, les attentes ne pouvaient qu’être élevées.


Trois histoires sans fil narratif si ce n’est la thématique commune de l’affliction et des ténèbres intérieures d’individus confrontés à des horreurs passéistes, des dilemmes moraux et monstruosités organiques qui ne peuvent qu’aboutir à la mort et au désespoir. C’est Jörg Buttgereit qui nous fera l’honneur d’ouvrir le bal pour livrer ce qui sera finalement le pétard mouillé de cette anthologie, dépeignant le caractère misandre d’une adolescente qui ne supporte plus les violences faites aux femmes et féminicides entendus à la radio, si bien qu’elle reproduira le processus de castration de son cochon d’inde sur son propre père qui lui servira de cobaye d’expérimentation. Emasculation et décapitation sont au programme de cette histoire contaminé par le ton morne et cafardeux de sa narratrice ainsi qu’une photographie blafarde qui ne fait qu’accentuer l’immobilisme de la situation. Si le talent est bien présent, on sent que la passion n’y est plus vraiment, et on sera quelque peu déçu par la tournure que prendra les événements d’autant que le réalisateur nous avait autrefois habitué à déstructurer ses récits justement pour palier à leur linéarité narrative. Le second segment sera de loin le plus intéressant puisqu’il se déroule sur deux temporalités et permet d‘exhumer les vieux démons de l’Allemagne Nazi avec une série d'exactions (viol, tortures, meurtres) perpétrés sur le territoire polonais tout en interrogeant le sentiment d’impunité de ses bourreaux par l’entremise d’un médaillon qui permet d’inverser les positions entre la victime et son ravisseur. Evidemment, le réalisateur fera le choix de perpétuer le cycle de la violence sous couvert d’un racisme ordinaire, avec une brutalité sans faille qui évoque les premiers films de Olaf Ittenbach.


Enfin Mandragore de Andreas Marshall est de loin le sketch le plus ambitieux et le plus long (50min) et nous propose une virée nocturne dans le monde interlope berlinois, mêlant onirisme, horreur et érotisme quelque part entre l’univers de Clive Barker et de H.P. Lovecraft. On y suivra la lente descente aux enfers d’un photographe professionnel qui va chercher à pimenter sa vie amoureuse en intégrant un club privé à ses dépends. Réalité et fantasme vont s'entremêler dans d’étranges circonvolutions entre sadomasochisme, substance hallucinogène, et résignation progressive au plaisir des sens pour atteindre l’orgasme absolue. Il est néanmoins dommageable que le réalisateur n’est pas cherché à expérimenter d’avantage sa mise en scène à travers ses effets visuels et sonore. Les attentes étaient peut-être trop grande, et si German Angst constitue un bien bel hommage au splatter underground allemand, il lui manque néanmoins ce grain de folie furieux, cette noirceur insondable et surtout ces visions infernales qui avait permis à The Burning Moon de s’imprimer dans la conscience générationnel ainsi que dans le patrimoine culturel du pays. Difficile de dire ce qu’aurai pu donner une réunion entre Olaf Ittenbach, Andreas Schnaas et Jörg Buttgereit dans pareilles conditions mais on y songera néanmoins. En tout cas les vieux démons semble avoir la vie dure outre Rhin.

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le 3 mai 2024

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