"Gens de Dublin", le dernier film de John Huston, qu'il réalisa à l'article de la mort sous respirateur artificiel.
J'imagine l'ambiance avec le vieux papet à deux doigts de clamser, dirigeant sa fille Anjelica, ça devait pas être joyeux.

"Gens de Dublin", en anglais "The dead" est l'adaptation de la dernière nouvelle du recueil "Gens de Dublin" écrit par James Joyce.

Je n'ai pas lu ce recueil tout à fait lisible, ni aucun livre de James Joyce (que ce soit Ulysse ou Finnegans Wake). Je ne pense pas que quiconque sur terre ait pu décemment lire ces deux derniers bouquins cités.

Enfin revenons à nos moutons.

"Gens de Dublin", raconte donc l'histoire de vieux irlandais qui un soir de réveillon neigeux se réunissent tous dans une belle bâtisse, pour festoyer, chanter, danser, manger, raconter des blagues et des histoires totalement inintéressantes.

C'est un film, c'est une histoire profondément mélancolique.
On peut aisément penser que John Huston se retrouve totalement dans cette histoire, et qu'il a dû lui même organiser de grandes fêtes similaires, au cours desquelles il a soudainement fini par se sentir seul, triste, déprimé, en voyant tous ces gens en apparence heureux, qui petit à petit finiraient tous par disparaître, frappés par la mort inévitable.

Car la mort surgit là comme un vrai cheveu dans la soupe, il n'est nullement question de mort durant les 45 premières minutes du film qui sont il faut le dire absolument interminables et lénifiantes.
On y voit des gens danser, un freddy alcoolique, une maman insupportable, une vieille chanter comme une casserole, une autre jouer un morceau hideux de piano, un autre lire un poème. En d'autres termes on s'emmerde.

Et soudain, les personnages se mettent à parler de la mort, la mort devient en un claquement de doigt le sujet central du film alors que jusque là il n'en avait jamais été question. Cette progression soudaine peut interroger, mais finalement, elle est logique.

Mais là encore les quelques effets de mise en scène loués ici et là n'ont rien de vraiment intéressants, lorsque l'une des dames chante un opéra évoquant le passé, la caméra filme une chambre avec de vieilles photos elles aussi issues du passé, pour bien souligner et insister sur le fait que l'on est ici dans un monde qui meurt, voué à disparaître. Alors ok c'est poétique, mais ça n'a rien d'incroyable, ça n'a rien du sublime, de révolutionnaire, ou même de talentueux.

La suite n'est pas mieux, durant les 35 minutes restantes, Anjelica Huston, jouant horriblement faux, ("Ooooh Pooooor Michael Furey") dévoile enfin la raison d'être du synopsis du film.
Voilà elle avoue à son mari qu'elle aimait un gars quand elle était jeune, mais elle est partie au couvent et il est mort de froid sous la pluie à l'âge de 17 ans et elle ne l'a jamais oublié. Et a chaque fois qu'elle entend une chanson particulière, elle repense à lui. Palpitant.

Et le film se boucle sur un magnifique monologue enneigé du mari qui parle encore une fois de la mort, du temps qui passe, du monde qui meurt, et de la mélancolie. Monologue sublime aux relents dépressifs d'Edgar Allan Poe, écrit par Joyce of course.

Là encore le problème est entier, obtient-on un bon film lorsque l'on lit un bon livre, ou un bon poème?
La voix-off, n'est-ce pas là le procédé le plus basique, le plus simpliste et le plus pauvre que l'on puisse utiliser au cinéma?

Je me suis posé ces questions, et j'en ai finalement conclu qu'il aurait mieux valu, pour moi en tout cas, lire le bouquin, que voir ce film purement illustratif, très mou et très ennuyeux pour ses 85 petites minutes.

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le 10 mars 2013

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KingRabbit

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