Gang Master
7.1
Gang Master

Film de Tsui Siu-ming (1982)

Au début des années 80, la Shaw Brothers est clairement en difficulté face à la Cinema City de Karl Maka et mais aussi à la Golden Harvest de Raymond Chow qui prend de plus en plus de place dans le paysage cinématographique de Hong Kong grâce aux succès de leurs films avec Michael Hui, Sammo Hung ou Jackie Chan (entre autres). La Shaw Brothers, clairement sur le déclin, tente malgré tout de se renouveler en signant plusieurs films horrifiques, tels que Bewitched, Hex ou Corpse Mania, et en se lançant dans les wu xia pian psychédéliques avec des films comme Holy Flame of the Martial World, Hidden Power of Dragon Sabre ou encore Portrait in Crystal. Ils continuent malgré tout à sortir des films d’arts martiaux plus classiques, qui reviennent aux fondamentaux de la firme. Des films peut-être un peu plus confidentiels mais qui ne déméritent à aucun moment et qui se montrent aussi efficaces que leurs grands frères. Parmi eux, Gang Master de Tsui Siu-Ming, échec au box-office local mais pourtant vrai bon film de la Shaw Brothers.


Tsui Siu-Ming est un des plus grands spécialistes martiaux de Hong Kong, adapte des cascades complètements folles (regardez son Mirage sorti en 1987) et réalisateur maudit qui n’aura jamais réellement eu sa chance. Acteur dans de nombreuses productions dans les années 60 et 70, côtoyant les plus grands comme Bruce Lee, il passe à la réalisation dès 1979 sur la série Reincarnated (dont le remake Bastard Swordsman est sorti quelques années plus tard) et l’année suivante pour le grand écran avec The Buddhist Fist qu’il coréalise aux côtés de Yuen Woo-Ping. Ce n’est qu’en 1982 qu’il fait cavalier seul avec Gang Master, son premier et unique film pour la Shaw Brothers, et malgré l’échec cuisant dans les salles obscures à cause du désamour du public pour le studio de Run Run Shaw, Gang Master vaut vraiment le coup d’œil pour tous les amateurs du genre tant ce qu’il fait, il le fait bien, très bien même. Ici, on reste dans du grand classique de la Shaw : des manigances, des trahisons, des machinations, des retournements de situation, … L’intrigue est bien ficelée, à l’instar des meilleurs Chu Yan, avec de nombreux personnages qui ont tous une utilité à un moment donné. Bien qu’ils ne soient que rarement très approfondis, ils sont tous suffisamment caractérisés pour qu’on ne s’emmêle jamais les pinceaux. Du classique oui, mais du classique très efficace. Le casting est impeccable, avec moult têtes connues qui raviront les amateurs. On est content de voir Bruce Leung dans un rôle assez conséquent, il nous prouve une fois de plus l’étendue de ses grands talents martiaux. Ku Feng est très bon dans le rôle du père torturé qui doit prendre une décision impossible. On rigolera du rôle de Yuen Tak en combattant « menuisier », mais surtout on appréciera de voir Austin Wai, frère ainé de Kara Hui, enfin dans un premier rôle. Il est réellement un très bon artiste martial et un acrobate des plus talentueux, bien qu’en termes de jeu d’acteur, on le sente bien moins à l’aise.


Malgré un budget qui ne semble pas être des plus importants, le charme de cette époque opère avec des décors studios certes parfois un peu kitchs, mais qui fourmillent de détails. La mise en scène de Tsui Siu-Ming est soignée, le réalisateur choisit ses plans avec minutie et intelligence, jouant avec un montage nerveux dès que cela est nécessaire. Bien qu’un peu timide au début en termes de combats, quand ça se lâche, ça se lâche et ils sont au final assez nombreux et interviennent à intervalles réguliers. Ici aussi, on est dans du très bon avec des chorégraphies inventives, très techniques, dans un style encore un peu old school par rapport à l’époque où le film est sorti et le tournant que prenaient les scènes martiales dans les films de manière générale. L’action est toujours lisible et les combats sont parfois assez originaux comme celui entre les deux voleurs qui doivent rester silencieux ou celui avec justement le combattant « menuisier » (voir plus haut). L’inévitable baston finale, avec plusieurs dizaines de combattants qui se mettent joyeusement sur la gueule à coups d’armes blanches et de tatanes est de haut niveau, tout comme l’affrontement de fin, lors du dénouement du scénario, qui bien qu’un peu abrupt vient clôturer ce Gang Master de bien belle manière. Alors il est clair que si on prend le film dans son ensemble, il n’a rien de très spectaculaire, mais il est néanmoins un divertissement très solide que tout amateur de kung-fu pian / wu xia-pian se doit de voir.


Bien que moins connu que les classiques de la Shaw Brothers, Gang Master est pourtant un très bon film d’arts martiaux aux nombreux combats réussis, qui ne doit son échec qu’à une arrivée un peu trop tardive dans le paysage cinématographique HK.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-gang-master-de-tsui-siu-ming-1982-2/

cherycok
8
Écrit par

Créée

le 20 oct. 2022

Critique lue 23 fois

1 j'aime

cherycok

Écrit par

Critique lue 23 fois

1

D'autres avis sur Gang Master

Gang Master
cherycok
8

Retour aux sources

Au début des années 80, la Shaw Brothers est clairement en difficulté face à la Cinema City de Karl Maka et mais aussi à la Golden Harvest de Raymond Chow qui prend de plus en plus de place dans le...

le 20 oct. 2022

1 j'aime

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1