Après avoir été amaigri et moustachu dans Dallas Buyers Club, et avant de devenir bedonnant et dégarni dans Gold, la nouvelle superstar oscarisée et oscarisable Matthew McConaughey nous revient barbu et crado dans Free State of Jones, de Gary Ross (Seabiscuit, Hunger Games). Un nouveau drame historique, à ranger dans ceux qui permettent aux États-Unis de faire leur examen de conscience, de Mississipi Burning à Twelve Years A Slave, en passant par Selma ou Le Majordome. Des longs-métrages que l'on peut qualifier d'anti David Selznick (Autant en emporte le vent), tant ils se situent à l'opposé de la défense scandaleusement cucul d'une Amérique sudiste fantasmée du film « culte qui ne le mérite plus » de 1936.
Ici, on pose les bases avec tout le cru et la violence de la guerre civile. Les premières minutes de Free State of Jones nous plongent en effet, en bon film de guerre historique, dans l'immonde boucherie d'une bataille de la Guerre de Sécession : jambes arrachées, visages défoncés et cris d'agonie sont au programme. Mais ce qui semble être le début d'un film de guerre coup de poing n'est en réalité qu'un prétexte pour expliquer le background du personnage principal, qui après avoir enterré son neveu, va déserter et organiser une micro-rébellion à l'intérieur même du Mississippi, dans le Comté de Jones. Passée cette première bataille, le film se laisse lentement sombrer dans un mélo quelque peu indigeste, se centrant sur la vie des habitants du Comté, entre haine raciale et harcèlement par les officiers de réquisition de l'armée confédérée. Si le côté restitution historique convainc sans peine, tout comme la photographie et la réalisation (qui savent capter toute la poésie sauvage des marécages et autres bayous du Mississippi) d'un Gary Ross qui regagne quelques lettres de noblesse après la daube Hunger Games, force est de constater que les deux heures et quart du film ont du mal à se justifier. Le film aurait pu facilement être amputé d'une bonne demie-heure de ses dialogues et autres monologues habités, qui plombent le récit par leur nombre. Allant d'ailleurs jusqu'à rendre la performance de McConaughey, pourtant impeccable, assez insipide, l'écart entre le niveau des dialogues et l'implication de l'interprète étant trop visible.
Résultat, trop mou, trop bavard mais jamais emballant, le film aura du mal à marquer l'Histoire en racontant cette histoire pourtant méconnue, du moins de ce côté outre-atlantique. Il aura également du mal à porter Matthew jusqu'à un autre Oscar, même si cet objectif crève les yeux (la promotion du film est centré uniquement sur le visage de McConaughey – ce qui, au passage, exclut tout le casting noir (dont l'excellent Mahershala Ali) de la campagne de pub, un nouveau paradoxe de white washing pour un film qui se veut un combat pour l'égalité). Dommage, c'est vraiment beau, le Mississippi...