Freddy est mort, c'est pas tant qu'il a littéralement explosé en mille morceaux qui nous informe qu'il est mort mais le fait que le sixième épisode de la saga s'appelle : Freddy's Dead: The Final Nightmare et que toute la communication autour du film s'articulait là dessus. On a même vu les esprits lui ayant octroyé son pouvoir quitter son corps... enfin sa tête pour être précis. Freddy est mort. Aime. Oh. Air. Thé. Mort.


Mais s'il y a autre chose qui est mort, ou en tout cas pas aussi vivant qu'attendu, c'est la carrière de Wes Craven, créateur du serial Killer et réalisateur du mythique premier volet. 10 ans après le père Craven cherche un moyen de cartonner à nouveau et quoi de mieux que de revenir au personnage ayant fait sa renommée ? Wes Craven veut ramener Freddy Krueger mais comment faire, maintenant que le personnage est mort ?


Oui, figurez-vous que la continuité de la saga a une certaine importance pour Wes Craven.


Il aurait pu simplement faire un nouveau film avec Freddy qui revient, comme à chaque fois. Mais non, Wes Craven veut mieux, en fait Wes Craven se voit en auteur plus qu'en "simple" réalisateur. Comment on le sait ? Facile, c'est ce "Freddy sort de la nuit" qui nous le dit. Donc Freddy est mort et c'est un casse-tête. Soudain, une idée de génie : Freddy est mort mais pas pour le public, de la même façon qu'il se nourrissait de la crainte de ses victimes dans les films, Freddy pourrait venir dans le vrai monde des vivants en se nourrissant de cet imaginaire collectif. C'est ainsi que Fred Krueger essaye de sortir des films pour tuer des vrais gens de la vraie vie. Et qui mieux que les gens ayant participé au film ?


Drôlement pratique comme idée puisque Nancy est morte mais pas Heather Langenkamp, l'actrice qui interprétait le rôle. Donc on peut faire revenir Nancy sans la faire revenir, histoire de surfer sur la nostalgie et le côté "épisode anniversaire". D'ailleurs on va aussi mettre en scène ce côté anniversaire avec un film fait à cette occasion dans le film. Une mise en abîme donc où l'actrice montrera son lien avec le personnage qui a fait sa gloire et où le pouvoir de création se confrontera avec l'imaginaire filmique et sa mise en oeuvre. Tout un programme. Ambitieux, le programme. Trop ambitieux même.


En effet, Freddy 7 se prend les pieds à plusieurs reprises avec son histoire de fiction qui s'invite dans la réalité qui elle-même bascule dans la fiction. Il y a déjà la lourdeur pachydermique avec laquelle Wes Craven se met lui-même en scène, façon grand gourou de l'imaginaire, auteur torturé par la puissance de sa création. Le script du film il l'écrit dans le film. A plusieurs reprises, au cas où t'as pas bien compris le trip, les personnages lisent le script du film dans le film au moment même où le script indique qu'ils lisent le script, normal vu que c'est le script du film et qu'ils sont dans le film... enfin le notre, pas le leur... vu que dans le film leur film n'est pas encore tourné.


Rien compris ? Pas grave. Wes Craven prend donc 10 bonnes minutes à justifier son postulat et à décortiquer sa démarche d'artiste et à se mettre bien en valeur. A la fois victime de sa puissance créative (alors que bon, ton scénario il pue tout de même) et plein d'empathie pour l'influence qu'il exerce sur la vie des autres. Moment long et gênant où Craven confirme au passage qu'il ne sait pas jouer un rôle, même quand c'est le sien. Qu'est ce qu'elle en dit de ça ta mise en abîme Wes ?


Le sérieux est donc chevillé au corps du film, on oublie le décalage du personnage et de la franchise. D'ailleurs Heater précisera bien en parlant à Robert Englund que ce n'est pas le même Freddy, qu'il est "plus sombre". Plus Sombre ça se traduit donc par un Freddy sans vanne et par un nouveau look. Grand imper noir, rangers au pied, chapeau vert fluo et un maquillage complètement raté où les ajouts de latex ne cessent de nous sauter au visage. Le Freddy New look fait pitié sur le fond comme sur la forme.


Plus sombre se traduisant aussi par "plus chiant". Car à force de s'appesantir autant sur toutes les situations et personnages le film traîne sans raison. Là où les précédents opus avaient le bon goût de s'expédier en moins de 90 minutes ce septième Freddy dure presque 2h. Deux heures pour tourner autour du pot et insister sur des choses finalement pas bien compliquées, tout ça pour louper tout un tas de trucs intéressants.
Freddy n'a jamais été spécialement productif niveau meurtre et là, c'est encore le cas. Peu de morts donc et ça se la joue sérieux, voir carrément philosophique, la dynamique fantasmagorique des meurtres est atténuée pour un résultat très pauvre. Il y a bien une mise à mort saisissante, lorsque la baby Sitter se fait traîner jusqu'au plafond en hurlant. Bien, mais c'est con que cette mort ne soit qu'un simple remake de celle, autrement plus mémorable, de Tina dans le premier volet. Craven en réelle panne d'inspiration recycle donc son propre travail pour essayer de réveiller son film, triste.


Et puis il y a Robert Englund aussi. Quitte à amener Freddy dans le monde réel il aurait été sympa de faire une confrontation avec Robert Englund, qui joue toujours Freddy dans ce volet. Las les deux facettes du personnages ne se croiseront jamais, Englund sortant du récit sans explications. Pourtant la scène du show télé est vraiment bien vue à ce niveau là, mais ça n'ira jamais plus loin. C'est d'ailleurs le seul moment de mise en scène un peu inspiré, le reste tenant plus du téléfilm bas de gamme qu'autre chose.


Puisqu'on est en pleine crise métafilmique, on glisse aussi quelques questions sur l'impact des films sur les gens, le danger supposé du cinéma d'horreurs. Pour cela il y a notamment le fils de Heater (dans le film, pas dans la vraie vie dans laquelle on vit tous les jours) qui fait des cauchemars et qui est somnambule, forcément. Là encore beaucoup de questions mais pas de réponses, Wes Craven préférant utiliser le gamin pour monter en boucle des gros plans de lui entrain de hurler. Le specimen étant absolument insupportable (il faut le voir faire la moue quand sa maman part faire une interview), ça fatigue très vite. Et on ne parle même pas de ces moments embarrassants où Freddy poursuit le mioche sans que quiconque ne se donne la peine de rendre ça crédible.


Après des heures de bla bla inutile et de rebondissements idiots (un gamin dans une clinique pour trouble du sommeil mais personne n'a remarqué le somnambulisme... et la mère qui ne trouve pas important d'en faire part aux médecins) le film bascule enfin dans l'univers original d'Elm Street, un basculement bien amené via John Saxon qui joue John Saxon et donc aussi le père de Nancy. Les acteurs jouant leur propre rôle dans le septième film sont envoyés dans le premier film et du coup reprennent leurs personnages. Oui mais voilà ou bout d'une poignée de minute on bascule dans un cauchemar et l'idée de catapultage dans le premier film ne sert donc à rien... tout juste à symboliser lourdement qu'Heater Langenkamp assume à nouveau son rôle de Nancy.


Le final est donc un cauchemar, admettons c'est tout de même la base de la licence. Mais voilà, la vision proposée ici est simplement nullissime. Une antre de Freddy qui sent bon le décor en carton et les effets spéciaux à 10 dollars. Un lieu risible pour un affrontement ridicule et sans intérêt. Les plans sur Freddy et sa langue fleurent bon la honte et le jeu de raccord immonde pour la mort de Freddy va même sans doute au delà. C'est le royaume du n'importe quoi sans pour autant se débarrasser de ce sérieux qui nous colle au basque depuis le début. Après une indigence pareille le film juge bon de se conclure sur une dernière couche de métalecture, histoire de re-situer la portée mythologique de l'histoire qu'on vient de nous raconter. Y en a un peu plus, je vous le mets ? Ha bah merde, j'ai pas attendu la réponse, vous le prenez quand même.


Partant d'une idée puissante et originale le film se vautre lamentablement à cause d'un traitement poussif et complètement con. Un cauchemar pour le spectateur, à n'en pas douter. Wes Craven pète plus haut que son cul mais il n'a clairement plus le talent nécessaire pour se le permettre. Plus dramatique encore que de faire passer Wes Craven pour un incompétent prétentieux, le film écorne sérieusement Freddy Krueger en vidant le personnage de sa personnalité et en proposant un nouveau look complètement raté. Du reste il est amusant de voir que cette obsession de Craven pour la mise en abîme se retrouvera 2 ans après dans "Scream", le film qui relancera sa carrière pour de bon et qui déterrera le slasher de sa tombe. Les producteurs ont voulu tuer Freddy une première fois mais cette renaissance ressemble à de l'acharnement thérapeutique.

Vnr-Herzog
3
Écrit par

Créée

le 25 mars 2013

Critique lue 1.6K fois

21 j'aime

Critique lue 1.6K fois

21

D'autres avis sur Freddy sort de la nuit

Freddy sort de la nuit
lessthantod
7

De bonnes idées :) pas toujours très bien exécutées :/

Freddy sort de la nuit met en vedette Heather Langenkamp et Robert Englund, jouant leur propre rôle dans "un film dans le film" écrit par Wes Craven, jouant lui-aussi son propre rôle et écrivant le...

le 23 janv. 2022

19 j'aime

2

Freddy sort de la nuit
ChatonMarmot
6

faisons un rêve

La mise en abîme est annoncée dans le titre (Wes Craven's New Nightmare). Via ses rêves, l'auteur-réalisateur a retrouvé l'inspiration, et va mettre un terme aux aventures de son croquemitaine. Le...

le 22 déc. 2019

10 j'aime

10

Freddy sort de la nuit
VHS_Guy
8

Ma critique du film "Le Cauchemar insolite de Wes Craven"

"Le Cauchemar insolite de Wes Craven" a toujours été le vilain petit canard de la série de Freddy Krueger. Ce n’est pas parce que le film est mauvais ou bien parce que le maquillage de Freddy est...

le 18 oct. 2016

10 j'aime

Du même critique

Le Bon, la Brute et le Truand
Vnr-Herzog
10

Citizen Kane ? Mon Cul !

Pourquoi ce titre provocateur ? Tout simplement parce que le film de Welles arrive systématiquement en tête de n'importe quel classement des meilleurs films de l'histoire du Cinéma lorsqu'ils sont...

le 12 déc. 2010

503 j'aime

86

Cowboy Bebop
Vnr-Herzog
10

Doux, dur et dingue

Oubliez tout ce que vous savez sur la japanimation (surtout si vous vous appelez Éric Zemmour), oubliez tout ce que vous savez des dessins-animés en général car "Cowboy Bebop" est une série tout à...

le 9 janv. 2011

407 j'aime

37