Suivant la vague de remakes des figures classiques du cinéma d'horreur apparue dans les années 2000 (les sagas Vendredi 13, Massacre à la tronçonneuse et Halloween y sont passées avec pertes et fracas pour la majorité d'entre elles), la franchise A Nightmare on Elm Street, qui avait disparue des écrans depuis son affrontement, en 2003, avec Jason Voorhees, marque son grand retour avec un remake sobrement intitulé A Nightmare on Elm Street.


Sa traduction française sera plus significative de la nouvelle approche des producteurs : le public cible se souvenant mieux du personnage que des films, il faudra mettre le paquet sur l'antagoniste en titre et préciser, pour les spectateurs français, que les griffes de la nuit sont en réalité celles de Freddy (Krueger); enfin, les spectateurs adolescents qui n'auraient pas connu plus tôt le personnage au travers de ses premières escapades en terres oniriques.


Le public visé se résumant aux nouvelles générations (ce sont en effet elles qui ramèneront le plus de camarades de flipperie en salles), rien de mieux qu'un remake pour repartir de zéro et rêver de relancer une franchise au potentiel lucratif immense. Au neuvième film d'essayer de réinventer la soupe en mettant au point une recette identique mais pas trop, aux enjeux horrifiques similaires mais aux motivations pécuniaires assumées.


Ainsi, pour coller au sadisme en vogue de ces nouvelles productions horrifiques qui n'ont rien d'autre à apporter au cinéma que le glauque de leur perversion, Krueger n'est plus tueur mais violeur d'enfant. Ce changement drastique dans la direction que prenait la mythologie du personnage n'hérite paradoxalement d'aucun impact dans son scénario autre qu'une remise en question, en plein milieu, de la véridicité des propos des héros au moment de leur enfance.


Cette direction, proposée comme une métaphore de la difficulté qu'éprouve une victime de viol à en parler, aurait été intéressante à développer pour perpétuer le mythe et le renouveler de manière inattendue : et si Freddy Krueger n'était pas le bourreau des innocents, mais bien la victime de la surprotection des parents et des préjugés que l'on peut avoir envers les adultes trop proches des enfants? Cette réflexion, malheureusement éphémère, portée sur la culpabilité et la confiance aveugle que l'on place en nos proches pouvait autant désarçonner que ce qu'elle promettait comme conséquences désastreuses sur la psyché des personnages. Inverser les rôles à la façon de Souviens toi... l'été dernier aurait été une alternative intéressante et favorable à une approche différente du personnage et de sa mythologie.


Mythologie qui ne fait d'ailleurs plus aucun sens, le gant du pédophile n'étant plus qu'un (très) vague rappel de son métier de jardinier, et les sous-sols de l'usine son lieu de mort (et gros easter-egg balancé à la gueule de l'amateur du long-métrage de Wes Craven). Un film d'origine dont il peine à se détacher, paradoxalement, et duquel il reproduit le schéma sans y apporter d'idée neuve dynamitant un univers vieillissant.


Le retour à son ton plus sobre, en plus d'afficher son refus de l'exubérance imaginative des suites (enclenchée par le troisième volet), couplé à la période de sortie du film (le début des années 2010 et leur esthétique au manque de personnalité néfaste) détruisent totalement le principal intérêt d'un Freddy : ses couleurs, ses crimes surnaturels, son personnage exubérant et la menace, autant tangible qu'invulnérable, qui se rapproche en amenant, dans son sillage, l'ironie d'un massacre dont il ne restera que le sourire carnassier du meurtrier.


Plus proche de la Momie d'Arnold Vosloo que du Freddy de Robert Englund, Jackie Earl Haley, même s'il reste sympathique à suivre dans la peau du personnage (la voix, doux mélange de Rorschach et du Batman de Begins, est un savoureux plaisir), ne dispose ni de la carrure de l'original, ni de sa perversion (il lui manque un sourire!) et encore moins de l'iconisation géniale de la caméra de Wes Craven. Fade, sans grand charisme, il avance et multiplie les meurtres à la façon du quatrième épisode (les idées molles en plus), sans rien dire (à part des jeux de mots grotesques et des menaces éventées) ni proposer matière à réflexion.


A l'image de nombre de Slashers des années 2000, celui-ci n'échappe pas à la moulinette Scream : sa bande-son (c'est flagrant durant le générique d'introduction), ses effets de mise en scène, la répétitivité de ses jumpscares, on tient ici un travail de reproduction fidèle à la bombe lâchée par Craven en 1996, le sens du détail et la maîtrise parfaite des codes du genre ayant désertés cette reproduction mollassonne d'un des plus grands films du genre.


Freddy lui-même n'ayant plus d'énergie à proposer, il aborde la franchise en suivant les idées d'un nouveau concept proposé comme LA réinvention de la saga : le micro-sommeil et ses possibilités multiples d'agressions éveillées. Si l'on ne crachera pas sur l'ingéniosité du procédé, la manière de l'employer ruine tout le potentiel de départ, et mêle de façon douteuse les codes du Slasher aux tocs visuels des films de démon.


C'est lorsqu'il fait passer Freddy pour un esprit type Dame Blanche que Les Griffes de la nuit nouvelle génération part complètement en vrille, et ruine l'essence de la franchise. En démontrant, par l'utilisation récurrente d'hallucinations allant à l'encontre des règles de la saga (il tue l'héroïne dans le rêve du héros sans que celle-ci ne ressente rien? Cela n'a aucun sens), qu'il perd complètement de vue la direction de son scénario parce qu'il ne maîtrise plus les codes qu'il a insérés dans la saga, il en vient à patiner dans une horreur qui ne peut plus se passer de jumpscares.


Le réalisateur de clips Samuel Bayer n'étant pas capable de faire autre chose que repomper les plans et les schémas narratifs des maîtres du cinéma (la première partie du Psychose d'Hitchcock où l'on croit suivre l'héroïne, une quantité surprenante d'images cultes de L'Exorciste de Friedkin, et les tics de mise en scène de Wes Craven à la fin des années 90), il mise tout sur le spectaculaire au risque de passer complètement à côté de l'atmosphère qu'il devait développer (point névralgique de tout Freddy qui se respecte).


Parce qu'on a l'impression de ne rien voir d'autre qu'un assemblage de moments repris sans assurance ou dynamisme, Freddy, les griffes de la nuit prend rapidement l'allure d'une expérience pénible à suivre qui passionnera plus en y cherchant de nouveaux plagiats qu'en suivant assidument son intrigue simpliste et peu trépidante. Incapable de se soustraire à ses codes et ses influences, il termine par se noyer dans son vomi peu ragoûtant, qui n'a même pas la vertu d'être le sien, puisqu'il l'a lui aussi volé à l'esthétique gerbante des films d'horreur des années 2000.

FloBerne

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