Freddy contre Jason
4.9
Freddy contre Jason

Film de Ronny Yu (2003)

Vous qui vous apprêtez à franchir la douane du bon goût, il est encore possible de rester sur les terres de Sartre et Mallarmé. Par contre, si vous osez vous aventurer hors de celles-ci, il se pourrait que le malaise vagal vous guette à la vision du segment final des deux sagas horrifiques les plus populaires du XXème siècle. Populaires, certes, mais reconnaissons-le, qualitativement boiteuses. C'est d'ailleurs dans la faible noblesse du produit que le spectateur en terrain connu prendra un plaisir non dissimulé. Pour apprécier l'esprit hautement "B-movie" de "Freddy contre Jason", il va falloir renifler de la salle de cinoche moisie aux coulures humides sur la moquette murale, épouser les vieux fauteuils défoncés et se perdre dans des chiottes sales au périmètre exigu. Au programme : grivoiseries, nudité, geysers de sang, lames affutées en tout genre, beuh et match de catch. Un spectacle d'une délicatesse infinie...


"Freddy contre Jason" est donc un vrai film de quartier dans le plus pur style de celui qui se sera délecté non seulement des franchises respectives mais aussi du fantasme régressif de voir "Kong" donner un coup de boule à Godzilla. Dans cette perspective, la peur autrefois palpable des deux Boogymen aura pris du plomb dans l'aile au profit d'une "suriconisation". Le résultat des courses, on le connait, "Freddy" et "Jason" ne sont plus aujourd'hui que deux caricatures surexploitées à la manière du monstre de "Frankenstein" juste après avoir été magnifié par le travail d'orfèvre de James Whale. Ronny Yu en est conscient et c'est avant tout sur ces bases que le film creuse ses fondations. "New Line" ayant racheté à Paramount le personnage de "Jason", c'est naturellement "Freddy" qui s'impose comme le maître de cérémonie en pénétrant l'esprit du tueur de "Crystal Lake". L'objectif ? Retrouver les descendants de Elm Street et s'en repaître comme à la grande époque.


Pointer du doigt les (nombreuses) incohérences du film, c'est un peu comme reprocher à un cuistot de trop goûter ses plats. Ce qui interpelle en premier lieu, c'est la rapidité d'exécution. 90 mn serrées comme un expresso Italien avec une exposition classique de toute la panoplie du slasher dans un premier tiers faisant la part belle au tueur d'Elm Street. Un second tiers dédié au premier affrontement suivi d'une revanche en bonne et due forme en conclusion. "Freddy contre Jason" ne fera pas complètement honneur à l'onirisme de peur de trop s'écarter de l'esprit cartésien inhérent à la saga "Jason". Moins inventif sur les décors torturés autrefois baroques et gothiques de la saga "Freddy", Ronny Yu réintègre "la célèbre chaufferie" dans le but de redonner à chaque lieu une identification immédiate. Et c'est dans la bienveillance de caresser dans le sens du poil les deux mythologies que le réalisateur marque des points. La complémentarité des deux monstres semble être le maître mot : L'eau pour "Jason", le feu pour "Freddy", la force brute du corps opposée à la perversité de l'esprit, le pragmatisme à l'onirisme, l'impuissance au priapisme...


Bienvenue donc dans l'antre de la vulgarité et de la dépravation filmique. Pour les âmes sensibles z'et délicates, on joue un Cassavetes juste à côté dans la salle 2. Pour les cascadeurs de l'image, vous suivrez les traces de sang sur le vieux parquet dégueulasse et l'odeur de soufre vous indiquera que vous êtes arrivés à bon port,

Star-Lord09
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 mai 2020

Critique lue 531 fois

33 j'aime

29 commentaires

Critique lue 531 fois

33
29

D'autres avis sur Freddy contre Jason

Freddy contre Jason
Star-Lord09
6

Nightmare on Crystal Lake

Vous qui vous apprêtez à franchir la douane du bon goût, il est encore possible de rester sur les terres de Sartre et Mallarmé. Par contre, si vous osez vous aventurer hors de celles-ci, il se...

33 j'aime

29

Freddy contre Jason
Adinaieros
5

Crossover

CONTEXTE LE film qui s'est fait attendre ! Depuis plus de 15 ans que le film devait se faire, les fans n'y croyaient plus. The New Blood devait déjà être ce crossover mais les deux studios n'avaient...

le 13 oct. 2010

11 j'aime

1

Freddy contre Jason
Fry3000
8

Place your bets

Freddy contre Jason. Rien que le titre justifierait la note de 8. Mais bon, je vais quand même donner mon avis de façon plus complète. Quand Freddy vs Jason est sorti, j'avais 11 ans. Je voyais les...

le 16 janv. 2012

11 j'aime

Du même critique

Midnight Special
Star-Lord09
8

ALTON EST LE FILS DE KRYPTON

C'est un critique malheureux qui prend la plume. Malheureux parce que l'orgasme filmique amorcé ne s'est pas produit. Malheureux parce que la promesse de caresser une époque révolue (celle des prods...

le 16 mars 2016

145 j'aime

87

Knight of Cups
Star-Lord09
8

DES DIEUX PARMI LES HOMMES.

Du plus haut des cieux avec "Tree of life" jusqu'au plus profond de l'âme humaine avec "To the wonder", voici venir l'entre-deux "Knight of cups" oeuvre du démiurge Malick. Si la palme d'or de 2011...

le 13 oct. 2015

116 j'aime

49

Youth
Star-Lord09
7

UN COUP D'OEIL DANS LE RETRO.

Youth est un boomerang qui, mal lancé, reviendrait dans la truffe du critique malin d'avoir découvert toutes les thématiques évidentes du dernier Sorrentino. A savoir la sagesse, le recul et surtout...

le 12 sept. 2015

101 j'aime

26