Nightmare on Crystal Lake
Vous qui vous apprêtez à franchir la douane du bon goût, il est encore possible de rester sur les terres de Sartre et Mallarmé. Par contre, si vous osez vous aventurer hors de celles-ci, il se...
le 10 mai 2020
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Vous qui vous apprêtez à franchir la douane du bon goût, il est encore possible de rester sur les terres de Sartre et Mallarmé. Par contre, si vous osez vous aventurer hors de celles-ci, il se pourrait que le malaise vagal vous guette à la vision du segment final des deux sagas horrifiques les plus populaires du XXème siècle. Populaires, certes, mais reconnaissons-le, qualitativement boiteuses. C'est d'ailleurs dans la faible noblesse du produit que le spectateur en terrain connu prendra un plaisir non dissimulé. Pour apprécier l'esprit hautement "B-movie" de "Freddy contre Jason", il va falloir renifler de la salle de cinoche moisie aux coulures humides sur la moquette murale, épouser les vieux fauteuils défoncés et se perdre dans des chiottes sales au périmètre exigu. Au programme : grivoiseries, nudité, geysers de sang, lames affutées en tout genre, beuh et match de catch. Un spectacle d'une délicatesse infinie...
"Freddy contre Jason" est donc un vrai film de quartier dans le plus pur style de celui qui se sera délecté non seulement des franchises respectives mais aussi du fantasme régressif de voir "Kong" donner un coup de boule à Godzilla. Dans cette perspective, la peur autrefois palpable des deux Boogymen aura pris du plomb dans l'aile au profit d'une "suriconisation". Le résultat des courses, on le connait, "Freddy" et "Jason" ne sont plus aujourd'hui que deux caricatures surexploitées à la manière du monstre de "Frankenstein" juste après avoir été magnifié par le travail d'orfèvre de James Whale. Ronny Yu en est conscient et c'est avant tout sur ces bases que le film creuse ses fondations. "New Line" ayant racheté à Paramount le personnage de "Jason", c'est naturellement "Freddy" qui s'impose comme le maître de cérémonie en pénétrant l'esprit du tueur de "Crystal Lake". L'objectif ? Retrouver les descendants de Elm Street et s'en repaître comme à la grande époque.
Pointer du doigt les (nombreuses) incohérences du film, c'est un peu comme reprocher à un cuistot de trop goûter ses plats. Ce qui interpelle en premier lieu, c'est la rapidité d'exécution. 90 mn serrées comme un expresso Italien avec une exposition classique de toute la panoplie du slasher dans un premier tiers faisant la part belle au tueur d'Elm Street. Un second tiers dédié au premier affrontement suivi d'une revanche en bonne et due forme en conclusion. "Freddy contre Jason" ne fera pas complètement honneur à l'onirisme de peur de trop s'écarter de l'esprit cartésien inhérent à la saga "Jason". Moins inventif sur les décors torturés autrefois baroques et gothiques de la saga "Freddy", Ronny Yu réintègre "la célèbre chaufferie" dans le but de redonner à chaque lieu une identification immédiate. Et c'est dans la bienveillance de caresser dans le sens du poil les deux mythologies que le réalisateur marque des points. La complémentarité des deux monstres semble être le maître mot : L'eau pour "Jason", le feu pour "Freddy", la force brute du corps opposée à la perversité de l'esprit, le pragmatisme à l'onirisme, l'impuissance au priapisme...
Bienvenue donc dans l'antre de la vulgarité et de la dépravation filmique. Pour les âmes sensibles z'et délicates, on joue un Cassavetes juste à côté dans la salle 2. Pour les cascadeurs de l'image, vous suivrez les traces de sang sur le vieux parquet dégueulasse et l'odeur de soufre vous indiquera que vous êtes arrivés à bon port,
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le 10 mai 2020
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