Chœur électrique de la discrétion et de la marginalité, Frank est d'abord en toute discrétion le biopic éphémère d'un jeune musicien en devenir, Jon Ronson, et de l'atypique leader d'un groupe avant-gardiste, Chris Sievey. Mais le film d'Abrahamson oublie aussitôt commencé ce sentier conventionnel pour atteindre sa propre identité : feel-good movie en puissance, le métrage multiplie les virages grisants, du slapstick à la chronique virale, glissant alors sans que l'on y prête attention vers le drame à la tristesse insondable. Le réalisateur expose les clichés un brin incommodants de l'environnement musical expérimental, imposant les quelques longueurs de sa sempiternelle recherche rutilante pour mieux installer la progression créative de ces figures tantôt attachantes tantôt inquiétantes. Quelques belles idées formelles se baladent - voir l'excellente ouverture et sa délicieuse quête de paroles - pour faire oublier de rares excès typiques du ciné indépendant, toutefois repaire d'une galerie d'acteurs aux facettes scintillantes et inattendues. Comme son paria de tête d'affiche et ses compagnons doux illuminés, Frank se révèle comme une touchante œuvre bipolaire, fraîche et désabusée, oscillant entre des émotions contraires pour faire se toucher du doigt les différentes affres de l'intégrité, artistique et sociale.